Paschase RADBERT
(?-v. 849)
écrits
moine bénédictin
« Vous n'avez qu'un seul maître, le Christ »
Si quelqu'un trouve bon de désirer une haute charge dans l'Église (cf 1Tm 3,1), qu'il désire l'œuvre que celle-ci permet de réaliser et non l'honneur qui lui est attaché ; qu'il désire aider et servir tous les hommes, plutôt qu'être aidé et servi par tous. Car le désir d'être servi procède de l'orgueil, comme celui des pharisiens, et le désir de servir naît de la sagesse et de l'enseignement du Christ. Ceux qui cherchent les honneurs pour eux-mêmes sont ceux qui s'élèvent, et ceux qui se réjouissent d'apporter leur aide et de servir sont ceux qui s'abaissent pour que le Seigneur les élève.
Le Christ n'a pas parlé ici de celui que le Seigneur élève, mais il a dit : « Celui qui s'élève lui-même sera abaissé », de toute évidence par le Seigneur. Il n'a pas parlé non plus de celui que le Seigneur abaisse, mais il a dit : « Celui qui s'abaisse volontairement sera élevé », en conséquence, par le Seigneur... Ainsi, à peine le Christ s'est-il réservé tout particulièrement le titre de « maître » qu'il invoque la règle de sagesse en vertu de laquelle « celui qui veut devenir grand doit être le serviteur de tous » (Mc 10,43)... Cette règle, il l'avait exprimée en d'autres termes : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29).
Dès lors, quiconque veut être son disciple ne doit pas tarder à apprendre cette sagesse du Christ, car « tout disciple accompli sera comme son maître » (Lc 6,40). Au contraire, celui qui aura refusé d'apprendre la sagesse enseignée par le Maître, loin de devenir un maître, ne sera même pas un disciple.
Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 10, 23
(trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 153 rev.)
« Tenez-vous donc prêts »
« Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l'heure. » Bien que le Seigneur parle ainsi pour tous, il s'adresse à ses contemporains, comme dans beaucoup d'autres de ses discours qu'on lit dans l'Écriture. Pourtant, ces paroles concernent tous les hommes parce que, pour chacun d'eux, le dernier jour arrivera pour lui, ainsi que la fin de ce monde, le jour où il devra quitter cette vie. Il faut donc que chacun en sorte comme s'il devait être jugé ce jour-là. C'est pourquoi tout homme doit veiller à ne pas se laisser égarer, mais à rester vigilant, afin que le jour du Seigneur, quand il viendra, ne le prenne pas au dépourvu. Car celui que le dernier jour de sa vie trouvera sans préparation serait encore trouvé sans préparation au dernier jour du monde.
Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 11, 24 ; PL 120, 799
(trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 13)
« Les deux ne feront qu'une seule chair. Ce mystère est grand : il s'applique au Christ et à l'Église » (Ep 5,31)
Une union étrange et extraordinaire a eu lieu lorsque « le Verbe s'est fait chair » dans le sein de la Vierge et a ainsi « habité parmi nous » (Jn 1,14). De même que tous les élus sont ressuscités dans le Christ lorsqu'il est ressuscité, de même en lui des noces ont été célébrées : l'Église a été unie à un Époux par les liens du mariage quand l'homme-Dieu a reçu en plénitude les dons de l'Esprit Saint et que toute la divinité est venue habiter dans un corps semblable au nôtre... Le Christ est devenu homme par l'Esprit Saint et, « comme un époux qui sort de sa chambre » (Ps 18,6), il est sorti du sein de la Vierge, qui a été en effet sa chambre nuptiale. Mais l'Église, en renaissant de l'eau dans le même Esprit, devient un seul corps dans le Christ, si bien que les deux « ne font plus qu'une seule chair » (Mt 19,5), ce qui, « par rapport au Christ et à l'Église, est un grand mystère » (Ep 5,31).
Ce mariage dure depuis le début de l'Incarnation du Christ jusqu'au moment où le Christ reviendra et que tous les rites de l'union nuptiale seront accomplis. Alors, ceux qui seront prêts et qui auront rempli comme il le faut les conditions d'une si grande union, entreront avec lui, pleins de respect, dans la salle des noces éternelles (Mt 25,10). En attendant, l'Épouse promise au Christ chemine vers son Époux, et elle garde l'alliance avec lui chaque jour dans la foi et la tendresse, jusqu'à ce qu'il revienne.
Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 10, 22 ; CCM 56 B, 1072-1073
(trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 248)
« Je le veux, sois purifié »
Le Seigneur guérit chaque jour l'âme de tout homme qui l'implore, l'adore pieusement et proclame avec foi ces paroles : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier », et cela quel que soit le nombre de ses fautes. « Car celui qui croit du fond du cœur devient juste » (Rm 10,10). Il nous faut donc adresser à Dieu nos demandes en toute confiance, sans mettre nullement en doute sa puissance... C'est la raison pour laquelle le Seigneur répond aussitôt au lépreux qui le supplie : « Je le veux ». Car, à peine le pécheur commence-t-il à prier avec foi, que la main du Seigneur se met à soigner la lèpre de son âme...
Ce lépreux nous donne un très bon conseil sur la façon de prier. Il ne met pas en doute la volonté du Seigneur, comme s'il refusait de croire en sa bonté. Mais, conscient de la gravité de ses fautes, il ne veut pas présumer de cette volonté. En disant que le Seigneur, s'il le veut, peut le purifier, il affirme que ce pouvoir appartient au Seigneur, en même temps qu'il affirme sa foi... Si la foi est faible, elle doit d'abord être fortifiée. C'est alors seulement qu'elle révélera toute sa puissance pour obtenir la guérison de l'âme et du corps.
L'apôtre Pierre parle sans aucun doute de cette foi quand il dit : « Il a purifié leurs cœurs par la foi » (Ac 15,9)... La foi pure, vécue dans l'amour, maintenue par la persévérance, patiente dans l'attente, humble dans son affirmation, ferme dans sa confiance, pleine de respect dans sa prière et de sagesse dans ce qu'elle demande, est certaine d'entendre en toute circonstance cette parole du Seigneur : « Je le veux ».
Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 5, 8; CCM 56 A, 475-476
(trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 243)
« Si moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13,14)
« Qui s'abaissera sera élevé. » Non seulement le Christ a dit à ses disciples de ne pas se faire appeler maîtres et de ne pas aimer les premières places dans les repas ni aucun autre honneur, mais il a donné lui-même, en sa personne, l'exemple et le modèle de l'humilité. Alors que le nom de maître lui est donné non par complaisance mais par droit de nature, car « tout subsiste par lui » (Col 1,17), par son entrée dans la chair il nous a communiqué un enseignement qui nous conduit tous à la vraie vie et, parce qu'il est plus grand que nous, il nous a « réconciliés avec Dieu » (Rm 5,10). Comme s'il nous disait : N'aimez pas les premiers honneurs, ne désirez pas vous faire appeler maîtres, de même que « ce n'est pas moi qui recherche ma gloire, il y a quelqu'un qui la recherche » (Jn 8,50). Tenez vos regards fixés sur moi, « car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude » (Mt 20,28).
Assurément, dans ce passage de l'Évangile, le Seigneur instruit non seulement ses disciples, mais aussi les chefs des Églises, leur prescrivant à tous de ne pas se laisser entraîner par l'avidité à rechercher les honneurs. Au contraire, que « celui qui veut devenir grand » soit le premier à se faire comme lui « le serviteur de tous » (Mt 20,26-27).
Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 10, 23; CCM 56B, 1112
(trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 152)