PAUVRETE / beauté et nécessité de l’esprit de pauvreté.
Introduction
On parle souvent de pauvreté dans la parole de Dieu. Pourtant dans le monde on la considère comme un fléau …. Alors ? L’évangile serait-il hors de la vie des gens ? Ou alors ne s’agirait-il pas plutôt de bien définir ce que l’on met derrière le mot de pauvreté ?
Selon le dictionnaire voici quelle est la définition du mot pauvreté :
« Selon l'usage le plus courant, la pauvreté caractérise la situation d'un individu qui ne dispose pas des ressources réputées suffisantes pour vivre dignement dans une société et son contexte. Insuffisance de ressources matérielles affectant la nourriture, l’accès à l'eau potable, les vêtements, le logement, ou les conditions de vie en général. Mais également insuffisance de ressources intangibles telles que l’accès à l’éducation, l’exercice d’une activité valorisante, le respect reçu des autres citoyens ou encore le développement personnel. »
Effectivement si l’on voit la pauvreté dans ce contexte, oui il faut la combattre, il faut l’éradiquer de notre monde. Cette pauvreté là n’est pas le fait de Dieu, elle est le résultat de notre société de consommation, et d’égoïsme où chacun vit pour soi, même au détriment des autres.
Si la pauvreté dont nous parle Jésus n’est pas celle-là alors qu’elle est-elle ?
Il faut regarder pour cela l’appel du jeune homme riche
Il se mettait en route quand un homme accourut et, s'agenouillant devant lui, il l'interrogeait : "Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? "18 Jésus lui dit : "Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon que Dieu seul.19 Tu connais les commandements : Ne tue pas, ne commets pas d'adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère."20 "Maître --, lui dit-il, tout cela, je l'ai observé dès ma jeunesse."21 Alors Jésus fixa sur lui son regard et l'aima. Et il lui dit : "Une seule chose te manque : va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi."22 Mais lui, à ces mots, s'assombrit et il s'en alla contristé, car il avait de grands biens. Marc 10/17.22
« Va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi.»
Le jeune homme partit tout triste, car malgré la promesse du trésor dans le ciel, cela dépassait sa capacité ! Il aurait pu renoncer à certaines choses mais pas à tout ce qu’il avait ! On voit bien là que la difficulté de détachement du jeune homme ne se situe pas dans la quantité de biens qu’il a, mais à l’attachement qu’il a envers ses différents biens ! C’est donc que l’appel à la pauvreté touche à la racine de notre cœur. Et de fait la réponse de Jésus, à travers ce jeune homme s’adresse à toute personne qui veut le suivre, qu’elle soit nantie en ce monde ou pas. La réponse de Jésus est « détache toi de tout ce à quoi tu tiens et suis-moi ! » Pour Jésus, être riche, n’est pas seulement de posséder des biens matériels, mais c’est avoir un cœur qui veut posséder, qui veut paraitre, qui veut dominer
On peut être pauvre de fait en ce monde, parce que la société actuelle ne nous permet pas d’autre choix, et ne pas avoir un cœur de pauvre. On peut être riche en ce monde et avoir un cœur de pauvre. L’esprit de pauvreté ne se mesure pas à la quantité de biens que nous possédons ou pas, mais bien au détachement que nous avons face aux biens de ce monde, .Et c’est bien pour cela que Matthieu en son texte des béatitudes parle des « pauvres de cœur »
Pauvres de cœur
"Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux. Matt 5/3
Heureux ??? Dans notre monde d’aujourd’hui comment peut-on être heureux en vivant pauvrement ? Il y a là semble-il une contradiction ; et pourtant non ! On peut être très heureux en vivant très simplement, c’est qu’alors, notre « trésor », notre bonheur n’est pas fixé sur les biens du monde, sur les apparences du monde, mais bien sur tout autre chose. Pour le chrétien il se situe dans l’attachement au Christ, dans le cœur à cœur avec le Christ. C’est cet amour là qui détache du monde ! Cet amour là rend heureux, et non pas frustré parce que l’on serait « obligé » de se priver de tout pour vivre sa foi ! Il y a ceci de merveilleux dans la vie avec Dieu, c’est que lorsqu’il appelle à lâcher quelque chose, et qu’on le fait, alors il le remplace par quelque chose de bien plus grand ! C’est que Dieu n’est jamais en reste d’amour.
On pourrait comparer cela, bien que la comparaison soit très imparfaite, à un enfant qui se régale d’une sucette, et son père qui le voit, qui voit bien que cette sucette n’est pas bonne pour lui, lui dit « donne la moi, je vais te donner autre chose » …mais l’enfant s’y refuse car il est attaché à sa sucette ! Si l’enfant lâche la sucette, le père lui donnera tout un paquet de bonnes friandises (choses saines, nourrissantes et agréables) mais s’il ne lâche pas, il ne saura jamais ce que son père voulait lui donner à la place. Ainsi sommes-nous devant l’appel de Dieu à lâcher nos petites possessions personnelles. Cela nous dérange car nous aimons bien ce que nous avons, pour nous ce sont de « grands biens », nous n’envisageons pas de nous en passer. Cela nous fait peur aussi, parce que nous ne savons pas ce que nous allons avoir en contrepartie. C’est là qu’il faut la foi, qu’il faut faire confiance au Seigneur. Et on ne peut découvrir tout le bonheur de la vie dans l’esprit de pauvreté que si l’on fait le pas !
Ainsi donc, la vie de pauvreté dans la foi chrétienne n’est pas synonyme d’interdiction, de frustration, mais bien d’union d’amour et de confiance avec le Christ. On ne peut vivre de cette pauvreté évangélique si on n’aime pas le Christ, de même d’ailleurs que l’on ne peut pas dire que l’on aime vraiment le Christ si on reste attaché plus que tout au monde et à ses apparences.
Le chrétien fait sienne la parole même du Christ :
Quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle. " Beaucoup de premiers seront derniers, et de derniers seront premiers. " Mat 19/23.30
Lorsque l’on regarde effectivement les apôtres, qui on tout lâché pour suivre le Christ, ils ont eu une vie bien plus remplie, bien plus satisfaisante, bien plus « riche » intérieurement que s’ils avaient continué leur vie d’avant. Ils ont pu paraître « les derniers » aux yeux du monde, mais ils se sont retrouver les premiers dans le cœur de Dieu ! Ils ont su lâcher les biens passagers, pour des biens éternels … dans la foi, dans l’amour du Christ !
Saint Paul nous décrit cela avec ses mots, en partageant son expérience :
Tous ces avantages dont j'étais pourvu, je les ai considérés comme un désavantage, à cause du Christ.8 Bien plus, désormais je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. A cause de lui j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ,9 et d'être trouvé en lui, n'ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi Phil 3/7.9
Notons bien le terme « j’ai accepté ». Paul n’a pas été forcé, cela a été un choix libre ! Un choix qu’il a posé parce qu’il a rencontré le Christ, qu’il a rencontré sa puissance, son amour ! Tout le reste dès lors lui est devenu fade ! Il avait trouvé « l’amour de sa vie » ! Un amour devant lequel tout autre amour devient secondaire ! Et même pour certains attachements complètement caducs !
Lâcher tout, vivre dans l’esprit de pauvreté, ne veut pas dire se mettre dans l’indigence, ou se rendre dans la dépendance au point de vivre aux crochets des autres ! Ce serait bien mal comprendre l’esprit de pauvreté. Témoin St Paul, qui travaillait pour subvenir à ses besoins, puisqu’il était tailleur de tentes. Mais il y a une grande différence entre assurer ses besoins réels et travailler pour assouvir tous les soi-disant besoins que la société nous crée (grosse voiture, dernier écran télé ; vêtements de couturier.. etc.)
L’esprit de pauvreté dans le cœur de Jésus se développe peu à peu, en s’allégeant de tout ce qui au fond est superficiel, c’est que l’amour va à l’essentiel. La vie de pauvreté sait se contenter de ce qui est vraiment nécessaire et par nécessaire il faut entendre vital.
Cependant ce dépouillement des biens du monde ne se fait ni à la force du poignet, ni tout d’un coup. Il est avant tout grâce de Dieu et va se développer progressivement au fur et à mesure de l’ouverture de notre cœur à Dieu, de l’offrande de notre vie. Dieu nous apprivoise progressivement. Il faut s’accorder le temps de grandir dans la foi, dans la connaissance de Dieu, pour être capable de répondre à cet appel. Se dire : « je dois être pauvre et je dois renoncer (sentiment d’obligation) à tout bien », c’est aller dans un mur où l’on se heurte à la révolte et à la souffrance d’une dénégation de soi, de son être profond. C’est prendre le risque d’une grande frustration, voir d’une dépression.
L’esprit de pauvreté consiste d’abord à se reconnaitre tel que l’on est, et ensuite à avancer dans l’amour de Dieu avec ce que l’on est. Si alors, on laisse Dieu faire son œuvre et que l’on répond aux aspirations qu’il met en notre cœur, alors l’esprit de pauvreté grandira en nous et tout dépouillement sera joie, grande joie, et non pas frustration.
L’esprit de pauvreté dans notre vie.
L’esprit de pauvreté va toucher à tous les domaines de notre vie et non pas seulement au domaine des biens matériels.
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L’attachement aux biens matériels : on se sentira de plus en plus appelés à se défaire de tout ce qui n’est pas nécessaire, les choses devenant inutiles, et l’attachement à ces choses disparaissant, le vide matériel se fait progressivement dans notre vie.
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L’attachement à notre apparence vestimentaire : si la propreté et la décence restent de mise, les frivolités, la nécessité des grandes marques et de s’habiller à la dernière mode disparaissent. L’habillement se simplifiant, les armoires se vident … les boites à bijoux aussi.
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L’attachement à notre apparence physique : là aussi si la propreté reste, la simplicité elle, apparait de plus en plus. Disparaissent alors le maquillage, les vernis à ongles, les frais de coiffure (teinture permanente...) les frais d’esthéticienne, la personne apprend à se regarder et à s’aimer telle que Dieu l’a créée, et comme c’est à Dieu qu’elle veut plaire et non plus au monde , toutes ces choses lui deviennent superflues, voir indésirables.
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L’attachement aux regards des autres, à leurs jugements. Chose si importante dans le monde qui se trouve fort relativisé, car le seul regard qui importe est celui de Dieu. Dès lors, si l’on fait encore attention à l’appréciation d’autrui c’est plus pour ne pas manquer à la charité (car les autres peuvent aussi nous corriger) que par égard pour soi-même.
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L’attachement par rapport aux signes d’affection des autres envers nous. Cela aussi s’estompe, car celui qui grandit dans l’amour de Dieu et des autres, ne s’occupe plus de lui-même. Des lors quand il rend service ce n’est plus en arrière pensée pour lui même (dans l’attente d’un remerciement par exemple) Il est tourné vers l’autre, que celui-ci lui témoigne de l’affection ou non.
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L’attachement aux plaisirs dit « mondains » tels que cinéma , restaurant , « bringues » … cela ne l’attire plus car il ne s’agit là que d’agitation extérieure alors que celui qui fait l’expérience de l’amour de Dieu ne désire plus que de retrouver cette habitation de Dieu au fond de son cœur. La vie, l’obligera sans doute par les nécessités du travail de la famille, à des rencontres « sociales », et il les vivra dans l’amour de autres, mais il ne les recherchera plus de lui-même, alors qu’avant, elles lui étaient comme vitales.
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L’attachement à notre volonté propre : étant « amoureux » de Dieu, notre volonté personnelle s’estompe de plus en plus pour se conformer à celle de Dieu. C’est le pur chemin de la sainteté. Bien sur cela ne se fait pas en un jour, il faudra souvent toute une vie pour y parvenir. Mais là aussi se trouve l’esprit de pauvreté.
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L’attachement au temps : oui cela peut surprendre, mais celui qui grandit ainsi dans la vie d’amour avec Dieu se reçoit totalement de Dieu, il désire lui consacrer toute sa vie, et dès lors, son temps ne lui appartient plus, il ne veut plus faire ce qu’il a envie quand il en a envie, mais il désire tout vivre avec Dieu quand et comme Dieu l’y appelle.
Quels avantages à tout cela ?
A lire tous ces points on peut se dire « eh bien si c’est ca vivre avec Dieu je préfère rester comme je suis ! » Et c’est bien ce que le monde fait. Mais c’est justement parce qu’il n’a pas rencontré l’amour du Christ. Les pauvres de cœur sont ceux qui ont rencontré cet amour extraordinaire de Dieu pour eux. Ils l’ont accepté et ont fait le choix de vivre toute leur vie avec Dieu, au cœur de cet amour.
La première grâce est là et c’est la plus importante. En fait c’est elle qui va ensuite enrichir de paix, de joie, tous les détachements du monde.
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Le détachement des biens matériels nous évite les conflits, (telles les disputes d’héritages). Il nous rend libre de la société de consommation, et achetant moins nous pouvons investir dans des causes qui nous semble plus importantes (aides humanitaires diverses, soutien financier à la mission de l’Eglise, de la paroisse.. etc.) Par ailleurs possédant moins nous ne sommes plus dans la crainte d’être cambrioler, notre maison se fait généralement plus ouverte ! Et sachant nous contenter de peu, nous ne sommes plus dans la crainte de manquer. C’est donc bien un fruit de paix et de joie qui se dégage de ce détachement des biens matériels.
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Le détachement de notre apparence vestimentaire nous facilite la vie, plus besoin de passer une demie heure tous les matins devant la glace pour savoir ce que l’on va porter ! ce pull va-t-il avec cette jupe ? ces chaussures vont-elles avec cette robe ? cette cravate va-t-elle avec cette chemise ! …. Plus besoin non plus de se changer quatre fois par jours à cause de nos différentes rencontres ! C’est donc bien un fruit de paix intérieure, de libération que l’on cueille ici, avec la joie de se sentir toujours bien « dans sa peau » !
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Le détachement de notre apparence physique. Avec la conscience d’être crées par Dieu et pour Dieu, avec la conscience de son regard d’amour sur nous, Les complexes disparaissent ! Plus besoin d’apparaitre différent de ce que l’on est, aux yeux du monde ! et cette libération nous remplit de joie et même de fierté d’être ce que l’on est ! Tel que l’on est ! Que le monde nous juge comme il veut, cela n’a plus d’importance !
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Le détachement quant au regard des autres sur nous-mêmes. Ce détachement est semblable à ce que ressentirait un oiseau accidenté qui pourrait enfin revoler ! Exister pleinement ! Exister librement ! Etre présent aux autres mais sans plus être dépendant de leur regard sur nous. Cela est possible uniquement parce qu’il y a un regard bien plus important que celui du monde sur nous, ce regard c’est celui de Dieu ! de Dieu entre les mains duquel on s’abandonne en toute confiance !
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Le détachement du temps, et de la volonté propre, c’est se placer dans l’amour de Dieu, et bien que de l’extérieur cela puisse paraitre un carcan, en fait il s’avère que sur le terrain, c’est une véritable liberté, une liberté où l’amour est roi. Quand on est célibataire on fait ce que l’on veut quant on le veut, mais si on est marié, alors on adapte note volonté, notre horaire en fonction de l’être aimé et cela n’est pas carcan mais bien source de vie et de joie. La vie dans l’esprit de pauvreté c’est cela !
Conclusion.
Si la pauvreté causée par les hommes, est à éradiquer de notre société tant elle est une atteinte à la dignité humaine, la pauvreté évangélique elle, est à cultiver. Elle est à cultiver, car c’est le chemin que le Christ nous a montré et enseigné.
Grandir en « pauvre de cœur » avec le Seigneur, c’est retrouver le chemin de la liberté dont notre monde nous prive bien souvent, c’est aussi retrouver notre dignité personnelle, tant devant Dieu qui nous regarde avec amour que devant les hommes qui sont souvent nos juges.
Grandir dans la pauvreté de cœur, c’est aussi retrouver la vie avec les autres dans un véritable amour fraternel et non dans un souci d’apparence ou de profit. Se dépouiller de tous nos attachements, voila qui nous libère de la carapace de guerre du monde pour nous revêtir de l’habit de liberté de Dieu.
On dit souvent que l’économie de Dieu est à l’inverse de l’économie du monde, et cela est vrai car la pauvreté en Dieu nous rend très riche en ce monde, d’une richesse que nulle société ne pourrait nous partager.
Le pauvre de cœur est pauvre aux yeux du monde mais riche de la richesse même de Dieu !
Myriam de Gemma