Sévère d’ANTIOCHE
(vers 465-538)
écrits
Evêque
« Il est descendu du ciel » (Credo)
« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. » Le Christ…n'a pas dit « quelqu'un descendait » mais « un homme descendait », car le passage concerne toute l'humanité. Celle-ci, par suite de la faute d'Adam, a quitté le séjour élevé, calme, sans souffrance et merveilleux du paradis, nommé à bon droit Jérusalem -- nom qui signifie « la Paix de Dieu » -- et est descendu vers Jéricho, pays creux et bas, où la chaleur est étouffante. Jéricho, c'est la vie fiévreuse de ce monde, vie qui sépare de Dieu... Une fois donc que l'humanité s'est détournée du bon chemin vers cette vie…, la troupe des démons sauvages vient l'attaquer à la manière d'une bande de brigands. Ils la dépouillent des vêtements de la perfection, ils ne lui laissent aucune trace de la force d'âme, ni de la pureté, ni de la justice, ni de la prudence, ni de rien de ce qui caractérise l’image divine (Gn 1,26), mais la frappant ainsi par les coups répétés des divers péchés, ils l'abattent et la laissent enfin à demi morte...
La Loi donnée par Moïse a passé…, mais elle a manqué de force, elle n'a pas conduit l'humanité à une guérison complète, elle n'a pas relevé celle qui gisait… Car la Loi offrait des sacrifices et des offrandes « qui ne pouvaient pas rendre parfaits, sous le rapport de la conscience, ceux qui pratiquaient ce culte » parce que « le sang des taureaux et des boucs était impuissant à ôter les péchés » (He 10,1.4)...
Enfin un Samaritain vint à passer. Le Christ se donne exprès le nom de Samaritain. Car…c’est lui-même qui est venu, accomplissant le dessein de la Loi et faisant voir par ses oeuvres « qui est le prochain » et qu'est-ce que « aimer les autres comme soi-même ».
Homélie 89
(trad. de Lubac, Catholicisme, Le Cerf 1947 rev.)
Le Christ soigne l’humanité blessée
Enfin un Samaritain vint à passer... Le Christ se donne à dessein le nom de Samaritain…, lui dont on avait dit, pour l'outrager : « Tu es un Samaritain et tu as un démon » (Jn 8,48)... Le Samaritain voyageur qui était le Christ donc -- car il voyageait vraiment -- a vu l’humanité qui gisait par terre. Il n’est pas passé outre, car le but qu'il avait donné à son voyage était « de nous visiter » (Lc 1,68.78), nous pour qui il est descendu sur la terre et chez qui il a logé. Car il n'est pas seulement « apparu, mais il a conversé avec les hommes » en vérité (Ba 3,38)...
Sur nos plaies il a versé du vin, le vin de la Parole, et comme la gravité des blessures ne supportait pas toute sa force, il y a mêlé de l'huile, sa douceur et son « amour pour les hommes » (Tt 3,4)… Ensuite, il a conduit l'homme jusqu'à l'hôtellerie. Il donne ce nom d'hôtellerie à l'Église, devenue le lieu d'habitation et le refuge de tous les peuples… Et une fois arrivés à l'hôtellerie, le bon Samaritain a témoigné à celui qu'il avait sauvé une sollicitude encore plus grande : le Christ lui-même était en l’Eglise, accordant toute grâce... Et au chef de l'hôtellerie, symbole des apôtres et des pasteurs et docteurs qui leur ont succédé, il donne en partant, c’est-à-dire en montant au ciel, deux pièces d'argent pour qu'il prenne grand soin du malade. Par ces deux pièces, entendons les deux Testaments, l'Ancien et le Nouveau, celui de la Loi et des prophètes, et celui qui nous a été donné par les évangiles et par les écrits des apôtres. Tous les deux sont du même Dieu et portent la seule image de ce seul Dieu d'en haut, comme les pièces d’argent portant l'image du roi, et ils impriment en nos coeurs la même image royale par le moyen des saintes paroles, puisque c'est un seul et même Esprit qui les a prononcées… Ce sont les deux pièces d'un seul roi, donnés en même temps et à titre égal par le Christ au chef de l'hôtellerie…
Au dernier jour, les pasteurs des saintes églises diront au Maître qui reviendra : « Seigneur, tu m'as donné deux pièces d'argent, voilà qu'en les dépensant, j’en ai gagné deux autres », par lesquels j'ai accru le troupeau. Et le Seigneur répondra : « C'est bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je te préposerai à beaucoup. Entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25,31).
Homélie 89
(trad. de Lubac, Catholicisme, Le Cerf 1947, p. 341 rev.)