Hugues de
SAINT-VICTOR

(?-1141),

écrits

chanoine régulier, théologien

« Celui qui vous écoute m'écoute ; celui qui vous rejette me rejette »

 

De même que le souffle de l'homme passe par la tête pour descendre vers les membres et les vivifier, ainsi l'Esprit Saint vient aux chrétiens par le Christ. La tête c'est le Christ, les membres ce sont les chrétiens. Il y a une tête et de nombreux membres, un seul corps formé de la tête et des membres, et dans ce seul corps un unique Esprit qui est en plénitude dans la tête et en participation dans les membres. Si donc il n'y a qu'un corps, il n'y a aussi qu'un seul Esprit. Qui n'est pas dans le corps ne peut pas être vivifié par l'Esprit, selon cette parole de l'Écriture : « Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas, n'est pas du Christ » (Rm 8,9). Car celui qui n'a pas l'Esprit du Christ n'est pas membre du Christ. 

Rien de ce qui fait partie du corps n'est mort ; rien de ce qui est séparé du corps n'est vivant. C'est par la foi que nous devenons membres ; c'est par l'amour que nous sommes vivifiés. Par la foi nous recevons l'unité ; par la charité nous recevons la vie. Le sacrement du baptême nous unit ; le Corps et le Sang du Christ nous vivifient. Par le baptême, nous devenons membres du corps ; par le Corps du Christ, nous participons à sa vie.

Traité des sacrements de la foi chrétienne,
II, 1-2 ; PL 176, 415 (trad. Orval) 

« Avec la puissance de l'Esprit »

 

La sainte Église est le corps du Christ : un seul Esprit la vivifie, l'unifie dans la foi et la sanctifie. Ce corps a pour membres les croyants dont l'ensemble forme un seul corps grâce à un seul Esprit et à une seule foi... Ainsi donc, ce que chacun possède en propre, il ne l'a pas pour lui seul ; car celui qui nous accorde si généreusement ses biens et les répartit avec tant de sagesse veut que chaque chose soit à tous et toutes à chacun. Si quelqu'un a le bonheur de recevoir un don de la grâce de Dieu, il doit donc savoir que ce qu'il a n'appartient pas à lui seul, même s'il est seul à l'avoir.

C'est par analogie avec le corps humain que la sainte Église, c'est-à-dire l'ensemble des croyants, est appelée corps du Christ, et parce qu'elle a reçu l'Esprit du Christ, dont la présence chez un homme est indiquée par le nom de « chrétien » que le Christ lui donne. Ce nom désigne en effet les membres du Christ, ceux qui participent à l'Esprit du Christ, ceux qui reçoivent l'onction de celui qui est oint ; car c'est du Christ que vient le nom de chrétien, et « Christ » veut dire « oint » ; oint de cette huile de joie que, de préférence à tous ses compagnons (Ps 44,8), il a reçue en plénitude pour la donner en partage à tous ses compagnons, comme la tête aux membres du corps. « C'est comme l'huile qui, versée sur la tête, descend sur la barbe, et de là s'écoule jusqu'au bord du vêtement » (Ps 132,2) pour se répandre partout et tout vivifier.

Quand donc tu deviens chrétien, tu deviens membre du Christ, membre du corps du Christ, participant de l'Esprit du Christ.

Traité des Sacrements de la foi chrétienne,
II, 1-2 ; PL 176, 415 (trad. Orval)

La perfection

 

"...la perfection se réalise en ceux qui montent par ces degrés, si bien que celui qui est demeuré en bas ne peut être parfait. Nous devons donc avoir comme propos de toujours monter. Mais comme l’inconstance de notre vie est telle que nous ne pouvons demeurer au même endroit, nous sommes obligés de revoir ce que nous avons déjà fait. Pour ne pas perdre l’état en lequel nous sommes, refaisons, de temps en temps, le chemin parcouru. Par exemple, que celui qui œuvre avec ardeur prie pour ne pas défaillir ; que celui qui prie avec insistance médite sur ce pour quoi il prie [...] ; que celui qui parfois se défie un peu de son propre jugement cherche conseil dans l’étude. Il arrive ainsi qu’ayant la volonté de toujours monter, nous soyons parfois contraints de descendre par la nécessité..."

(Hugues de Saint-Victor : Didascalicon, V, IX, 12-17).

Monter vers Dieu, c’est rentrer en soi-même

 

"Lorsque nous voulons élever l’œil de l’esprit vers les réalités invisibles, il nous faut considérer les images des choses visibles en quelque sorte comme des repères pour la connaissance. Quand, dans le domaine des réalités spirituelles et invisibles, on dit que quelque chose est en haut, on ne donne pas à entendre que cela serait situé spatialement au sommet ou au point le plus élevé du ciel, mais on veut signifier que, de toutes les réalités, c’est la plus intime. Monter vers Dieu, c’est donc rentrer en soi-même ; et non seulement rentrer en soi-même, mais d’une manière qui ne se peut dire, passer, au plus intime de soi, au-delà de soi-même. Ainsi, celui-là qui, entrant en soi et pénétrant en sa propre intimité, si j’ose dire, passe au-delà de lui-même, celui-là monte véritablement vers Dieu."

(Hugues de Saint-Victor,
 De vanitate mundi, , 715 A-C)