Jacques de SAROUG
(vers 449-521)
écrits
moine et évêque syrien
« Dieu sépara la lumière et les ténèbres » (Gn 1,4)
Pendant que les anges, dans l'étonnement, n'osaient rien demander, l'ordre de Dieu a retenti : « Que la lumière soit ! » (Gn 1,3) Et la lumière a chassé les ténèbres... Ce fut le dimanche, le premier des jours, le premier-né d'entre ses frères, le jour porteur de mystères et de symboles. Dieu avait créé deux jumeaux qui ne se ressemblaient en rien : la nuit tout obscure, et le jour si clair. La nuit était l'aînée, mais le jour l’a chassée et a pris sa place.
Ce premier jour, ce fondement de la création, ne s'est pas écoulé heure après heure ; la lumière ne s’est pas levée à l'Orient, pour se coucher à l'Occident... Elle n’a subi aucun changement, mais elle fut, selon ce qui est écrit : « Et la lumière fut ». Un jour est né ainsi, formé de nuit et de lumière ; le soir et le matin se sont succédés... Alors Dieu a retiré le premier jour et il a appelé le deuxième. Il a placé les soirs et les matins sur leurs gonds pour que tourne le grand portail qui, chaque jour, s'ouvre et se ferme.
Hexaméron : Homélies pour le premier et le deuxième jour
(trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, Médiaspaul 1988, vol.1, p.14)
« C'est de moi qu'il a parlé dans l'Ecriture »
« Le visage de Moïse rayonnait parce qu'il avait parlé avec Dieu. Aaron et tous les Israëlites le virent...et avaient peur de l'approcher... Quand Moïse eut fini de leur parler, il mit un voile sur son visage » (Ex 34,29s). L'éclat dont resplendissait le visage de Moïse, c'était le Christ qui brillait en lui ; mais il a été caché aux yeux des Hébreux ; ils ne l'ont pas vu... Tout l'Ancien Testament se présente à nous voilé, comme Moïse, le symbole de toute prophétie. Derrière ce voile, étendu sur les livres des prophètes, apparaît le Christ, auguste juge, siégeant sur son trône de gloire...
Si Moïse était voilé, quel autre prophète aurait pu se découvrir la face ? A sa suite, tous voilèrent donc leurs discours. Simultanément, ils annonçaient et voilaient ; ils présentaient leur message, et en même temps le recouvraient d'un voile... C'est parce que Jésus brillait dans leurs livres qu'un voile le dérobait aux yeux, voile qui proclame à tout l'univers que les paroles des Saintes Écritures ont un sens caché...
Notre Seigneur a soulevé ce voile lorsqu'il a expliqué les mystères à l'univers entier. Par sa venue, le Fils de Dieu a découvert le visage de Moïse voilé jusqu'alors, paroles inintelligibles. La nouvelle alliance est venue éclairer l'ancienne ; le monde peut enfin saisir ces paroles que plus rien ne recouvre. Le Seigneur, notre Soleil, s'est levé sur le monde et a illuminé toute créature ; mystère, énigmes sont enfin éclaircis. Le voile qui recouvrait les livres a été soulevé et le monde contemple le Fils de Dieu à visage découvert.
Homélie sur le voile de Moïse
rad., La Vie Spirituelle, t. 91 1954, p. 143-145 ;
cf Lire la Bible, coll. Migne n° 66)
« Venez au repas de noce »
Les femmes ne sont pas aussi étroitement unies à leurs maris que l'Eglise au Fils de Dieu. Quel autre époux que notre Seigneur est jamais mort pour son épouse, et quelle épouse a jamais choisi comme époux un crucifié ? Qui a jamais donné son sang en présent à son épouse, sinon celui qui est mort sur la croix et a scellé son union nuptiale par ses blessures ? Qui a-t-on jamais vu mort, gisant au banquet de ses noces, avec, à son côté, son épouse qui l'étreint pour être consolée ? A quelle autre fête, à quel autre banquet, a-t-on distribué aux convives, sous la forme du pain, le corps de l'époux ?
La mort sépare les épouses de leurs maris, mais ici elle unit l'Epouse à son Bien-aimé. Il est mort sur la croix, a laissé son corps à sa glorieuse Epouse, et maintenant, à sa table, chaque jour, elle le prend en nourriture… Elle s'en nourrit sous la forme du pain qu'elle mange et sous la forme du vin qu'elle boit, afin que le monde reconnaisse qu'ils ne sont plus deux, mais un seul.
Homélie sur le voile de Moïse (trad. Guéranger/Delhougne)