Jean Beyzim

(1850-1912)

Bx, missionnaire jésuite 

Fête le 02.10

Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,

Un jour de 1890, chez des Jésuites en Ukraine, on lit au réfectoire un article sur les lépreux. Un novice repousse son assiette, disant: «Je m'étonne qu'on puisse lire des choses aussi répugnantes pendant le repas». Son voisin, qui écoute d'une tout autre oreille, est remué par la description des souffrances... Quelques années plus tard, il en parle à son confesseur, le Père Beyzym. Ce dernier, bouleversé à son tour, saisit l'occasion pour demander à partir servir les lépreux. «Je sais très bien, écrit-il au Préposé général des Jésuites, en quoi consiste la lèpre et à quoi je dois être préparé; toutefois, tout cela ne m'effraie pas, au contraire, cela m'attire».

Jan Beyzym est né le 15 mai 1850 à Beyzymy Wielkie, aujourd'hui en République ukrainienne. Loyal et ardent au travail, il est desservi par une grande timidité juvénile. Dès sa plus tendre enfance, il partage la dévotion toute particulière de sa famille envers Marie. Jan pense à devenir prêtre dans une modeste paroisse de campagne, mais son père l'oriente plutôt vers les Jésuites. Après une longue lutte intérieure, il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus, le 10 décembre 1872. Durant les deux années de noviciat, Jan s'initie à la vie religieuse, entremêlant exercices spirituels, occupations matérielles et oeuvres de charité. Habitué à une vie dure, il ne souffre pas trop de la discipline à laquelle il doit se plier, mais reste un peu rude dans ses rapports avec le prochain. Son noviciat terminé, il poursuit des études de philosophie et de théologie jusqu'à son ordination sacerdotale à Cracovie, en Pologne, le 26 juillet 1881. Son âme ardente se révèle dans ces paroles: «Nous travaillons pour Dieu, pour le ciel, et nous ne devrions pas nous laisser dépasser dans notre labeur et nos sacrifices par ceux qui travaillent pour des biens matériels ou ne vivent que pour la terre».

«Levons l'ancre, et en avant!»

Le Père Beyzym est désigné comme préfet des élèves au collège des Jésuites à Tarnopol, puis à Chyrów. Après avoir enseigné le français et le russe, il est nommé préfet d'infirmerie, fonction qui entraîne une lourde responsabilité et une vigilance quasi maternelle sur les dix salles qui accueillent les élèves malades. Il circule de lit en lit, s'applique à distraire malades et convalescents par des histoires et des jeux, relevant le moral des enfants et des infirmiers. Sa vie austère est adoucie par un humour ingénieux. Un jour, un élève fortement fiévreux se met à délirer: il veut s'habiller, disant qu'il lui faut rejoindre le bateau en partance pour l'Amérique. L'infirmier de service essaie en vain de le raisonner. Survient le Père Beyzym: «Où pars-tu ainsi? – Pour le bateau. – Très bien, je suis justement le capitaine du bateau, nous partirons ensemble». Et, prenant le malade dans ses bras, il va le coucher dans une autre chambre: «Nous voilà heureusement arrivés à bord, maintenant levons l'ancre et en avant!» Tout abasourdi, l'enfant se calme sur le champ.

L'énergie et la suavité s'unissent dans l'âme du Père Beyzym. Il aime la nature, les fleurs, qu'il cultive pour orner l'autel et les chambres des malades. Il a un aquarium, une cage de canaris, une autre, qu'il a lui-même fabriquée, pour les ébats d'un écureuil. La vue de ces créatures l'aide à élever ses pensées et celles de ses élèves vers Dieu. Il s'efforce de communiquer aux enfants sa dévotion à Marie: une des conférences qu'il leur fait, commence ainsi: «L'aide la plus sûre et la plus nécessaire pour notre conversion, pour notre sanctification et pour notre salut est la dévotion à la Très Sainte Vierge». Le Père Beyzym connaît admirablement la jeunesse, ses faiblesses et ses qualités. Son regard triste devant une bêtise suffit à remplir le coupable de repentir.

Tout donné au service des enfants, le Père Beyzym sent croître en lui le besoin d'aimer et de se sacrifier encore davantage pour les malheureux. C'est alors qu'il demande à se consacrer au service des lépreux. Son désir exaucé, il est affecté à la mission de Madagascar, quitte son pays le 17 octobre 1898 et atteint Tananarive le 30 décembre suivant. On lui confie la léproserie d'Ambahivoraka, à 10 km au nord de la ville. Les 150 lépreux qui vivent là mènent une existence plus que misérable. Exclus de la société des hommes, tourmentés par les douleurs, affamés, assoiffés, ils habitent des baraques en ruine, sans fenêtres, sans plancher, sans les objets de première nécessité. À l'époque des pluies, ils vivent dans l'eau et l'humidité. Devant de telles souffrances, le Père Beyzym prie Dieu d'apporter un soulagement à ces malheureux, et lorsque personne ne le voit, il pleure à chaudes larmes, car il ne peut regarder sans compassion ces souffrances humaines. Dans un premier temps, il habite Tananarive et se rend à la léproserie pour les enterrements (trois à quatre par semaine) et la Messe dominicale. Mais bientôt la permission lui est accordée de résider en permanence parmi les lépreux.

«Il n'a pas peur de toucher les plaies!»

Pour obtenir une aide urgente, le Père Beyzym écrit de nombreuses lettres à ses confrères d'Europe et à ses amis. On peut y lire: «Il n'y a personne aux côtés des lépreux, ni médecin, ni prêtre, ni infirmière, absolument personne. Je remplis ici tous les rôles: aumônier, facteur, sacristain, jardinier, docteur. Quant aux vêtements, chacun se couvre comme il peut, en se mettant un vieux sac trouvé dans un coin, ou quelque chose de semblable. La nourriture est principalement constituée de riz, à raison d'un kilo par semaine, c'est-à-dire juste la limite pour ne pas mourir de faim. Voilà tout ce qu'ils ont, aucun remède, ni bandes pour panser les blessures et les plaies. Rien... Il est difficile ici de soigner les malades, car, en plus de la lèpre, ils ont également la syphilis et la gale, et ils sont pleins de poux. Cela ne m'étonne cependant pas. Comment ces malheureux pourraient-ils se laver et se coiffer, s'ils n'ont plus de doigts, qui sont tombés à cause de la lèpre?... Si quelqu'un se plaint de maux d'estomac, il ne faut pas lui demander: «Qu'as-tu mangé?» mais: «As-tu mangé? et quand?...» Je me sens mal lorsque je pense au grand nombre de personnes qui dépensent tant d'argent par caprice et pour des plaisirs incompréhensibles, alors qu'ici tout manque».

Un autre souci fait saigner le coeur du Père Beyzym: «Ce qui me tourmente pourtant plus encore, c'est leur misère morale, conséquence de leur état matériel. Ils sont exposés à mille occasions de péché... Je regarde ces petits enfants qui non seulement n'apprennent pas à aimer Dieu, mais encore ne savent même pas s'il y a un Dieu, tandis que les grands leur apprennent déjà à l'offenser!... Je demande sans cesse à la Vierge Marie d'avoir pitié et d'aider à sauver au plus tôt ces malheureux... Dès que l'amour et la confiance pour la Très Sainte Vierge s'enracineront dans ces pauvres coeurs, tout sera en place et je pourrai être tranquille pour eux».

Le premier soin du P. Beyzym est d'empêcher que les lépreux ne meurent de faim. Sa longue expérience d'infirmier lui sert beaucoup. Il s'approche de ces malades, bande leurs plaies, suscitant l'admiration des témoins: «Quand je reçus pour la première fois un morceau de toile et que je me mis à bander la plaie de l'un d'eux, écrit-il, tous m'entourèrent comme s'il s'agissait d'un spectacle extraordinaire, les uns disant aux autres: «Regarde! Mais regarde! Il n'a pas peur de toucher les plaies»». Toutefois, ce service demande une abnégation héroïque: «Il faut rester sans cesse uni à Dieu et être capable de prier toujours... Il faut un peu s'habituer à la mauvaise odeur, car ici on ne sent pas le parfum des fleurs, mais la puanteur de la lèpre... La vision des plaies n'est pas non plus très attrayante. Lorsqu'après trois ou quatre heures de médications, que j'effectue à l'air libre devant les baraques, je reviens chez moi, et après m'être lavé et désinfecté avec du phénol, je sens que tout ce que j'ai sur moi dégage encore une mauvaise odeur... Au début, je ne pouvais pas voir les blessures, et, après avoir vu une plaie particulièrement répugnante, il m'est quelquefois arrivé de m'évanouir. À présent, je regarde les plaies de mes malheureux malades, je les touche en les soignant ou en donnant l'Extrême-Onction avec l'huile sainte, sans être impressionné. À dire la vérité, j'éprouve quelque chose dans mon coeur lorsque je m'occupe des plaies, mais seulement parce que je préférerais les avoir toutes sur moi, plutôt que de les voir sur ces pauvres malheureux».

Une manifestation de liberté

Imitant le Christ qui lave les pieds de ses disciples, le Père Beyzym se fait serviteur. «Si dans la culture actuelle, écrit le Pape Jean-Paul II, celui qui sert est perçu comme inférieur, dans l'Histoire Sainte, le serviteur est celui qui est appelé par Dieu pour réaliser une oeuvre singulière de salut et de rédemption, celui qui sait avoir reçu tout ce qu'il a et tout ce qu'il est, et qui se sent donc appelé à mettre au service des autres ce qu'il a reçu... Servir est une vocation tout à fait naturelle, car l'être humain est naturellement serviteur: il n'est pas maître de sa propre vie et il a besoin, à son tour, de nombreux services d'autrui; servir est une manifestation de liberté par rapport à l'envahissement de son propre moi, et de responsabilité vis-à-vis de l'autre; et servir est possible à tous à travers des gestes apparemment petits, mais grands en réalité, s'ils sont animés par un amour sincère. Le véritable serviteur est humble, il sait qu'il est inutile (cf. Lc 17, 10), il ne recherche pas ses intérêts égoïstes, mais il se dépense pour les autres en faisant l'expérience de la joie de la gratuité dans le don de soi» (Message pour la journée des vocations du 11 mai 2003).

Tant de charité de la part du Père Beyzym éveille la pleine confiance dans ses paroles quand il parle de Dieu, de la vie éternelle, de l'enseignement de Jésus-Christ. Aussi, au bout de quelques mois, un grand nombre de lépreux ont-ils sollicité et reçu le Baptême. La gratitude du Père envers la Très Sainte Vierge est profonde: «Je ne sais si je serai jamais en état de remercier convenablement la Vierge Marie pour sa protection. Je ne parle plus de mille autres grâces qu'elle m'a accordées, mais de celle de m'utiliser au service des lépreux».

Le Père se rend compte cependant que sa connaissance de la langue malgache est rudimentaire; trop de mots lui manquent. Pour se perfectionner, il décide, en 1901, de passer deux mois dans un poste voisin, ne revenant à l'asile que le dimanche pour la Messe. Les progrès accomplis lui permettent d'organiser une première retraite: «Nous venons de terminer, écrit-il ensuite, une retraite de trois jours... selon la méthode de saint Ignace: trois conférences chaque jour, avec des examens de conscience, des confessions, des communions... Il régnait parmi les lépreux un silence, un recueillement, dignes de nos retraitants les plus civilisés. Je remercie la bonne Mère sans cesse, beaucoup de mes malades vivront et mourront en vrais catholiques».

De fait, pendant les quatorze années de l'apostolat du Père Beyzym, pas un de ses lépreux ne mourut sans avoir reçu le Sacrement des malades. Les souffrances du missionnaire ne sont pas pour rien dans sa fécondité apostolique. Outre les difficultés quotidiennes de sa vie, il a le «mal du pays natal»: «Je languis, écrit-il à ses anciens confrères de Pologne, après la patrie; spécialement après notre maison et l'infirmerie avec nos marmots». Beaucoup de missionnaires passent par ces souffrances intimes, souvent connues de Dieu seul. «Dans la Sainte Écriture, écrit le Pape Jean-Paul II, il y a un lien fort et évident entre le service et la rédemption, comme entre le service et la souffrance, entre le Serviteur et l'Agneau de Dieu. Le Messie est le Serviteur souffrant qui prend sur ses épaules le poids du péché humain, il est l'Agneau conduit à l'abattoir (Is 53, 7) pour payer le prix des fautes commises par l'humanité et lui rendre ainsi le service dont elle a le plus besoin. Le Serviteur est l'Agneau qui, maltraité, s'humilie et n'ouvre pas la bouche (Is 53, 7), montrant ainsi une force extraordinaire: celle de ne pas réagir au mal par le mal, mais de répondre au mal par le bien. C'est la douce énergie du serviteur qui trouve sa force en Dieu et qui, pour cette raison, est fait, par Lui, lumière des nations et artisan du salut (cf. Is 49, 5-6). Mystérieusement, la vocation au service est toujours vocation à participer au ministère du salut d'une façon très personnelle, et même onéreuse et difficile» (Ibid.)

Des écailles tombaient de mes yeux

Malgré les efforts du Père Beyzym, les soins donnés aux lépreux restent bien insuffisants. Il projette donc la construction d'un hôpital. Ses Supérieurs approuvent, à la condition qu'il trouve les fonds nécessaires. Le missionnaire envoie des lettres dans toutes les directions; certaines sont publiées par le bulletin polonais «Missions catholiques». Pendant plusieurs années, les offrandes arrivent. Après d'innombrables difficultés, surmontées grâce à une confiance sans bornes en la divine Providence, le Père trouve un terrain convenable, à Marana près de Fianarantsoa, dans un lieu isolé et salubre, mais à environ 400 km de la léproserie où il réside. Une grande épreuve l'attend alors, car il va devoir abandonner ses lépreux d'Ambahivoraka. Il parvient à leur obtenir une place à l'asile gouvernemental, mais il n'est pas sans crainte pour eux: «Là, écrit-il, m'apparut dans toute sa crudité le danger moral auquel tous, surtout les enfants, seraient exposés dans l'asile officiel (700 lépreux recrutés dans la lie de la société y sont enfermés de force et gardés nuit et jour par la police)... Je recommandai tous et chacun à notre Mère du Ciel, en pleurant comme un enfant. Et dire que je n'y pouvais rien!»

Le départ se fait dans la souffrance. Arrivé à destination, en octobre 1902, le missionnaire se met à l'oeuvre tout en s'occupant d'un nouveau groupe de lépreux. Le chantier avance peu à peu. Un jour, un événement inattendu se produit: une femme et deux hommes lépreux, épuisés par une longue marche, demandent à le voir. «D'où venez-vous? Si vous voulez être reçus ici, il faut vous montrer au médecin à Fianarantsoa et revenir avec un certificat. «Tu parles comme si tu ne nous connaissais pas, dit la femme. – Mais sûrement, je ne vous connais pas. – Rappelle-toi Ambahivoraka, et tu nous reconnaîtras». En entendant ceci, il me sembla que des écailles tombaient de mes yeux. Je n'avais pas reconnu mes oisillons, d'abord parce que je ne les avais pas vus depuis deux ans, puis à cause de leur aspect si minable, enfin parce que je ne les supposais pas en état de faire un si long voyage. Vous pouvez vous figurer combien le coeur me battait et quelle était ma joie de leur arrivée!... Quand, au bout de quelques jours, mes voyageurs furent un peu reposés, la courageuse femme se confessa et communia; après quoi, je lui remis tout ce que je pus pour la route, je la bénis et l'envoyai chercher les restes de mes chères épaves». Quelques semaines plus tard, les anciens malades d'Ambahivoraka arrivent, les uns après les autres: «Je les accueille comme s'ils étaient mes plus proches parents».

Mais en même temps que ces joies, le Père reçoit des épreuves, qu'il appelle des échardes de la Croix de Jésus. Certains trouvent ses projets trop hardis et leurs objections impressionnent l'évêque du lieu qui hésite à donner les autorisations nécessaires. Puis, dans les sphères gouvernementales, on parle de laïciser tous les asiles. Mais la confiance du Père Beyzym dans la protection de Marie, Consolatrice des affligés, lui permet de tenir bon. La prière de saint Ignace, qu'il récite plusieurs fois par jour, l'aide aussi beaucoup: «Prenez, Seigneur et acceptez toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence, ma volonté, tout ce que j'ai, tout ce que je possède. C'est vous qui me l'avez donné, à vous je le rends. Tout est à vous, disposez de tout selon votre bon plaisir. Donnez-moi votre amour et votre grâce, cela seul me suffit».

Un robinet qui fait peur

Enfin, en 1911, l'hôpital ouvre ses portes. «Ce n'est pas une oeuvre d'hommes, écrit le Père: l'Immaculée Elle-même, a fondé cet hôpital et s'en occupe». La prise de possession ne se fait pas sans un certain désarroi: «Dans les débuts, écrit-il, tous les lépreux circulaient désemparés et désorientés... voilà qu'ils ont tout d'un coup un logement avec un plafond et un plancher, des lits munis de draps, des tables à tiroirs, une image de la Vierge, et un numéro à la place de chacun; enfin des écuelles, des gobelets, des lampes. Ils se regardaient aussi les uns les autres, n'en revenant pas... Le premier jour, il y avait de quoi rire, à cause de mille naïvetés indiquant combien ils étaient encore peu civilisés. Quand la cloche du dîner sonna, ils vinrent bien au réfectoire, mais ne savaient qu'y faire... L'un d'eux ouvre un robinet et, comme l'eau arrive à une forte pression, mon nouveau civilisé prend peur: au lieu de refermer le robinet, il lâche tout et s'enfuit en criant au secours!...»

Heureusement, «au bout de quelques jours, le règlement est appliqué, et notre maison ressemble plus à un couvent qu'à un hôpital. La séparation des hommes et des femmes est observée, ainsi que le silence à certaines heures; pas de querelle, ou, si des mots aigres sont prononcés, l'on fait la paix sur-le-champ... Chacun travaille autant que sa santé le lui permet; les chants et les rires sont à l'ordre du jour... À présent, presque tous font la communion quotidienne. En un mot, Dieu veuille que cela dure, car l'hôpital est un îlot de foi au milieu de la marée de péché toujours montante qu'est le monde. Et ne pensez pas que j'embellisse le tableau: c'est la stricte vérité».

Vers de plus délaissés

Le nouvel hôpital, doté de toutes les installations sanitaires nécessaires, compte 150 lits. Consacré à Notre-Dame de Czestochowa, il existe encore aujourd'hui et rayonne de l'amour et de l'espérance qui l'ont fait naître. Extérieurement, il semble que le Père soit lié pour toujours au champ d'apostolat parmi les lépreux de Madagascar. Mais au fond de son coeur, demeure une angoisse du salut des âmes qui le porte à aller vers des pauvres encore plus délaissés. Il pense aux condamnés aux travaux forcés réunis dans l'île de Sakhaline (en Extrême-Orient russe) et spirituellement abandonnés. Il écrit à son Supérieur: «Depuis quelque temps, la pensée de Sakhaline me hante, et je l'ai sans cesse devant les yeux. Par ce que vous avez vu et entendu, mon Père, vous savez que nombre de malheureux y souffrent affreusement... On pourrait très probablement venir en aide à ces infortunés...»

En attendant la décision qui sera prise pour ce nouvel apostolat, le Père Beyzym multiplie catéchismes et retraites. Très sensible à l'honneur rendu à Jésus dans l'Eucharistie, il dore l'autel et le tabernacle de sa chapelle. Mais sa santé faiblit. Il souffre d'artériosclérose et son corps est couvert de plaies. Un jour, vaincu par de violentes souffrances, il lui faut s'aliter. Un religieux prêtre, qui a contracté la lèpre au service des lépreux, et qui mourra lui-même neuf jours plus tard, vient lui administrer les derniers sacrements. Enfin, le 2 octobre 1912, le Père Beyzym, rend son âme à Dieu. Il est vraisemblablement mort d'épuisement et non de la lèpre.

«Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ (Ep. 2, 4-5)... L'Église désire annoncer inlassablement ce message... Le désir d'apporter la miséricorde aux plus indigents a conduit le Bienheureux Jan Beyzym, Jésuite et grand missionnaire, sur l'île lointaine de Madagascar, où, par amour du Christ, il a consacré sa vie aux lépreux... L'oeuvre caritative du bienheureux était inscrite dans sa mission fondamentale: apporter l'Évangile à ceux qui ne le connaissent pas. Voilà le plus grand don de la miséricorde: conduire les hommes au Christ» (Jean-Paul II, homélie de la béatification de Jan Beyzym, 18 août 2002). Si, peu de personnes sont appelées à servir les lépreux, nous devons tous témoigner concrètement de la miséricorde de Dieu. Pour cela, «une «imagination de la charité» est nécessaire, continue le Pape; que l'imagination ne manque pas là où supplie une personne dans le besoin: Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien! Grâce à l'amour fraternel, que ne manque jamais ce pain! Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde (Mt 5, 7)».

Demandons à la Très Sainte Vierge Marie de faire de nous, à la suite du Bienheureux Jan Beyzym, des missionnaires de la miséricorde de Dieu dans le monde contemporain. 

Dom Antoine Marie osb, abbé

 

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