Thérèse Benedicte de la CROIX

Thérèse-Bénédicte de la CROIX [Édith Stein] (1891-1942) écrits

Sainte, carmélite, martyre, copatronne de l'Europe

 

« Louez Dieu dans son sanctuaire... Que tout ce qui respire loue le Seigneur » (Ps 150)

 

Dans l'ancienne Alliance, on avait déjà une certaine compréhension du caractère eucharistique de la prière. L'ouvrage prodigieux de la tente de l'Alliance (Ex 25), comme plus tard celui du Temple de Salomon, a été considéré comme l'image de toute la création se rassemblant autour de son Seigneur pour l'adorer et le servir... De même que, selon le récit de la création, le ciel a été déployé comme une tenture, des tentures devaient constituer les parois de la tente. De même que les eaux d'en bas ont été séparées des eaux d'en haut, le rideau du Temple séparait le Saint des Saints des espaces extérieurs... Le chandelier à sept branches est le symbole des luminaires du ciel. Des agneaux et des oiseaux représentent le foisonnement des êtres vivants qui peuplent l'eau, la terre et l'air. Et de même que la terre a été confiée à l'homme, c'est au grand prêtre qu'il revient de se tenir dans le sanctuaire...

À la place du Temple de Salomon, le Christ a bâti un temple de pierres vivantes (1P 2,5), la communion des saints. Il se tient en son centre comme le grand prêtre éternel et sur son autel il est lui-même le sacrifice offert éternellement. Et toute la création est rendue participante de cette liturgie : les fruits de la terre y sont associés en offrandes mystérieuses, les fleurs et les luminaires, les tentures et le rideau du Temple, le prêtre consacré, ainsi que l'onction et la bénédiction de la maison de Dieu.

Les Chérubins ne sont pas non plus absents. Leurs figures sculptées montaient la garde dans le Saint des Saints. Maintenant les moines, leurs images vivantes, veillent à ce que la louange de Dieu ne cesse jamais, sur la terre comme au ciel... Leurs chants de louange appellent dès l'aube la création tout entière à s'unir pour magnifier le Seigneur : montagnes et collines, fleuves et torrents, mers et terres fermes ainsi que tout ce qui les peuple, nuages et vents, pluie et neige, tous les peuples de la terre, tous les hommes de toutes conditions et de toutes races, et enfin les habitants des cieux, les anges et les saints (cf Dn 3,57-90)... Nous devons nous joindre, par notre liturgie, à cette louange éternelle de Dieu. « Nous », qu'est-ce à dire ? Il ne s'agit pas seulement des religieux réguliers..., mais de tout le peuple chrétien.

La Prière de l'Église (trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 57s rev.)

« Tu ne sais pas d'où il vient ni où il va »

 

Qui es-tu, douce lumière qui me combles et illumines les ténèbres de mon cœur ?

Tu me guides comme la main d'une mère, et si tu me lâchais, je ne pourrais plus faire un seul pas.

Tu es l'espace qui enveloppe mon être et l'abrite en toi.

Abandonné de toi, il sombrerait dans le gouffre du néant d'où tu l'as tiré pour l'élever vers la lumière.

Toi, plus proche de moi que je ne le suis de moi-même, plus intime que le tréfonds de mon âme, et cependant insaisissable et ineffable, au-delà de tout nom, Esprit Saint, Amour éternel !

N'es-tu pas la douce manne qui du cœur du Fils déborde dans le mien, la nourriture des anges et des bienheureux ?

Lui qui s'est relevé de la mort à la vie m'a éveillée moi aussi du sommeil de la mort à une vie nouvelle.

Et jour après jour il continue de me donner une nouvelle vie, dont un jour la plénitude m'inondera tout entière, vie issue de ta vie, oui, toi- même, Esprit Saint, Vie éternelle !

Poésie Pentecôte 1942
(trad. Malgré la nuit, Ad solem 2002, p. 121)

« Nous savons que son témoignage est vrai »

 

      Près de sa crèche, le Sauveur désire également la présence de celui qui lui était particulièrement cher pendant sa vie : Jean, le disciple que Jésus aimait (Jn 13,23). Nous le connaissons bien comme figure de la pureté virginale. Parce qu'il était pur, il a plu au Seigneur. Il a pu reposer sur le Cœur de Jésus et y être initié aux mystères du Cœur divin (Jn 13,25). Comme le Père céleste a rendu témoignage à son Fils en proclamant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » (Mc 9,7), de même l'Enfant divin semble aussi nous désigner son disciple bien-aimé et nous dire : « Nul encens ne m'est plus agréable qu'un cœur pur qui se donne avec amour. Écoutez celui qui a pu voir Dieu parce qu'il avait un cœur pur » (Mt 5,8).

      Nul n'a pu plonger plus profondément que lui dans la contemplation des abîmes cachés de la vie divine. C'est pourquoi il nous annonce le mystère de l'engendrement éternel du Verbe divin... Il a partagé les combats de son Seigneur comme seule peut le faire une âme qui aime d'un amour sponsal... Il nous a fidèlement conservé et transmis les témoignages que le Sauveur rendait lui-même à sa propre divinité devant ses amis et ses ennemis... Par lui nous savons à quelle participation à la vie du Christ et à la vie du Dieu-Trinité nous sommes destinés...

      La présence de Jean à la crèche du Seigneur nous dit : voyez ce qui est préparé pour ceux qui s'offrent à Dieu d'un cœur pur. Toute la plénitude inépuisable de la vie à la fois humaine et divine de Jésus leur est royalement accordée en échange. Venez et buvez aux sources de l'eau de la vie, que le Seigneur fait couler pour les assoiffés et qui jaillissent en vie éternelle (Jn 7,37; 4,14). Le Verbe est devenu chair et il est couché devant nous sous l'aspect d'un enfant nouveau-né.

Méditation pour le 6 janvier 1941
(trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 272-3)

« Afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle »

 

Mon Seigneur et mon Dieu,

tu m'as guidée sur un long chemin obscur, pierreux et dur.

Mes forces semblaient souvent vouloir m'abandonner,

je n'espérais presque plus voir un jour la lumière.

Mon cœur se pétrifiait dans une souffrance profonde

quand la clarté d'une douce étoile se leva à mes yeux.

Fidèle, elle me guida et je la suivis

d'un pas d'abord timide, plus assuré ensuite.

J'arrivai enfin devant la porte de l'Église.

Elle s'ouvrit. Je demandai à entrer.

Ta bénédiction m'accueille par la bouche de ton prêtre

À l'intérieur des étoiles se succèdent,

des étoiles de fleurs rouges qui me montrent le chemin jusqu'à toi...

Et ta bonté permet qu'elles m'éclairent dans mon chemin vers toi.

Le mystère qu'il me fallait garder caché au profond de mon cœur,

je peux désormais l'annoncer à haute voix :

Je crois, je confesse ma foi !

Le prêtre me conduit aux marches de l'autel,

j'incline le front,

l'eau sainte coule sur ma tête.

Seigneur, est-il possible à quelqu'un de renaître

une fois écoulée la moitié de sa vie ? (Jn 3,4)

Tu l'as dit, et c'est pour moi devenu réalité.

Le poids des fautes et des peines de ma longue vie m'a quittée.

Debout, j'ai reçu le manteau blanc placé sur mes épaules,

symbole lumineux de la pureté !

J'ai porté à la main le cierge dont la flamme annonce

qu'en moi brûle ta vie sainte.

Mon cœur est désormais devenu la crèche qui attend ta présence.

Pour peu de temps !

Marie, ta mère, qui est aussi la mienne, m'a donné son nom.

À minuit elle dépose en mon cœur son enfant nouveau-né.

Oh ! nul cœur humain ne peut concevoir

ce que tu prépares à ceux qui t'aiment (1Co 2,9).

Tu es à moi désormais et jamais plus je ne te quitterai.

Où que puisse aller la route de ma vie, tu es auprès de moi.

Rien jamais ne pourra me séparer de ton amour (Rm 8,39).

Poésie « Heilige Nacht » (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p.21)

« Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive »

 

Sur le chemin de la croix, le Sauveur n'est pas seul, et il n'est pas entouré que d'ennemis qui le harcèlent. Il y a aussi la présence des êtres qui le soutiennent : la Mère de Dieu, modèle de ceux qui, en tout temps, suivent l'exemple de la croix ; Simon de Cyrène, symbole de ceux qui acceptent une souffrance imposée et qui, dans cette acceptation, sont bénis ; et Véronique, image de ceux que l'amour porte à servir le Seigneur. Chaque homme qui, dans la suite des temps, a porté un lourd destin en se souvenant de la souffrance du Sauveur ou qui a librement fait œuvre de pénitence a racheté un peu de l'énorme dette de l'humanité et a aidé le Seigneur à porter son fardeau. Bien plus, c'est le Christ, Tête du Corps mystique, qui accomplit son œuvre d'expiation dans les membres qui se prêtent de tout leur être, corps et âme, à son œuvre de rédemption.

On peut supposer que la vision des fidèles qui allaient le suivre sur son chemin de souffrance a soutenu le Sauveur au jardin des Oliviers. Et l'appui de ces porteurs de croix lui est un secours à chacune de ses chutes. Ce sont les justes de l'Ancienne Alliance qui l'accompagnent entre la première et la deuxième chute. Les disciples, hommes et femmes, qui se rallièrent à lui pendant sa vie terrestre sont ceux qui l'aident de la deuxième à la troisième station. Les amants de la Croix, qu'il a éveillés et qu'il éveillera encore tout au long des vicissitudes de l'Église combattante, sont ses alliés jusqu'à la fin des temps. C'est à cela que, nous aussi, nous sommes appelées.

Am Fuss des Kreuzes, 24/11/1934 (in La crèche et la croix;
trad. G. Català et Ph. Secretan; Éd. Ad Solem 1995, p. 57)