SACRORUM ANTISTITUM (Pie X en 1910)
Motu proprio Sacrorum antistitum
Serment anti-moderniste. Vigilance des évêques sur l'enseignement des clercs.
Vatican le 1er septembre 1910
Aucun évêque n’ignore, croyons-Nous, qu’une race très pernicieuse d’hommes, les modernistes, même après que l’Encyclique Pascendi dominici gregis (8 sept. 1907) eut levé le masque dont ils se couvraient, n’ont pas abandonné leurs desseins de troubler la paix de l’Église. Ils n’ont pas cessé, en effet, de rechercher et de grouper en une association secrète de nouveaux adeptes, et d’inoculer avec eux, dans les veines de la société chrétienne, le poison de leurs opinions, par la publication de livres et de brochures dont ils taisent ou dissimulent les noms des auteurs. Si, après avoir relu Notre Lettre Encyclique précitée, l’on considère attentivement cette audacieuse témérité qui Nous a causé tant de douleur, on se convaincra sans peine que ces hommes ne diffèrent en rien de ceux que Nous avons dépeints dans ce document. Ces adversaires sont d’autant plus à redouter qu’ils nous touchent de plus près ; ils abusent de leur ministère pour tendre l’appât d’une nourriture empoisonnée ; en vue de surprendre la bonne foi de ceux qui ne sont pas sur leurs gardes, ils propagent autour d’eux une apparence de doctrine, qui contient la somme de toutes les erreurs.
Ce fléau se propageant considérablement dans cette partie du champ du Seigneur dont on devrait attendre les meilleurs fruits, il est de votre devoir à Vous, évêques, de travailler à la défense de la foi catholique, et de veiller avec le plus grand soin à ce que l’intégrité de ce dépôt divin ne subisse aucune atteinte, comme il Nous appartient surtout à Nous d’exécuter l’ordre du Christ Sauveur, qui a dit à Pierre, dont Nous avons, malgré Notre indignité, hérité la primauté : Confirme tes frères.
C’est pourquoi, afin de raffermir le courage des hommes de bien dans la lutte actuelle, Nous avons jugé opportun de rappeler ces enseignements et prescriptions du document précité.
« Nous vous prions et vous conjurons de ne pas souffrir que l’on puisse trouver le moins du monde à redire, en une matière si grave, à votre vigilance, à votre zèle, à votre fermeté. Et ce que Nous vous demandons et que Nous attendons de vous, Nous le demandons aussi et l’attendons de tous les autres pasteurs d’âmes, de tous les éducateurs et professeurs de la jeunesse cléricale, et tout spécialement des Supérieurs majeurs des Instituts religieux.
I. En ce qui regarde les études, Nous voulons et ordonnons que la philosophie scolastique soit mise à la base des sciences sacrées. Il va sans dire que s’il se rencontre quelque chose chez les docteurs scolastiques que l’on puisse regarder comme excès de subtilité, ou qui soit proposé sans qu’on veuille y attacher beaucoup d’importance, ou qui ne cadre pas avec les découvertes des temps postérieurs, ou qui n’ait enfin aucune espèce de probabilité, il est bien loin de Notre esprit de vouloir le proposer à l’imitation des générations présentes [1]. Et quand Nous prescrivons la philosophie scolastique, ce que Nous entendons surtout par là – ceci est capital -, c’est la philosophie que nous a léguée le Docteur angélique. Nous déclarons donc que tout ce qui a été édicté à ce sujet par Notre Prédécesseur reste pleinement en vigueur, et, en tant que de besoin, Nous l’édictons à nouveau et le confirmons, et ordonnons qu’il soit par tous rigoureusement observé. Que, dans les Séminaires où on aurait pu le mettre en oubli, les évêques en imposent et en exigent l’observance : prescriptions qui s’adressent aussi aux Supérieurs des Instituts religieux. Et que les professeurs sachent bien que s’écarter de saint Thomas, surtout dans les questions métaphysiques, ne va pas sans détriment grave. Une erreur qui est petite dans son principe, pour me servir des termes mêmes de saint Thomas, est grande dans ses conséquences dernières (De Ente et Essentia prœm).
Sur cette base philosophique que l’on élève solidement l’édifice théologique.
Autant que vous le pourrez, Vénérables Frères, stimulez à l’étude de la théologie, de façon que les clercs en emportent, au sortir du Séminaire, une estime profonde et un ardent amour, et que toute leur vie ils en fassent leurs délices. Car nul n’ignore que, parmi cette grande multitude de sciences, et si diverses, qui s’offrent à l’esprit avide de vérité, la première place revient de droit à la théologie, tellement que c’était une maxime de l’antique sagesse que le devoir des autres sciences, comme des arts, est de lui être assujetties et soumises à la manière des servantes [2].
Ajoutons que ceux-là, entre autres, Nous paraissent dignes de louanges qui, pleinement respectueux de la tradition des saints Pères, du magistère ecclésiastique, mesurés dans leur jugement, et se guidant sur les normes catholiques (ce qui ne se voit pas chez tous), ont pris à tâche de faire plus de lumière dans la théologie positive, en y projetant celle de l’histoire – de la vraie. Évidemment, il faut donner plus d’importance que par le passé à la théologie positive, mais sans le moindre détriment pour la théologie scolastique ; et ceux-là sont à réprimander, comme faisant les affaires des modernistes, qui exaltent de telle façon la théologie positive, qu’ils ont tout l’air de dénigrer en même temps la scolastique.
Quant aux études profanes, il suffira de rappeler ce qu’en a dit fort sagement Notre Prédécesseur : Appliquez-vous avec ardeur à l’étude des sciences naturelles : les géniales découvertes, les applications hardies et utiles faites de nos jours sur ce terrain, qui provoquent à juste titre les applaudissements des contemporains, seront aussi à la postérité un sujet d’admiration et de louanges (Alloc. Pergratus Nobis aux savants catholiques, 7 mars 1880). Mais les études sacrées n’en doivent pas souffrir. Sur quoi le même Pape donne tout aussitôt le grave avertissement que voici : Si l’on recherche avec soin la cause de ces erreurs, on la trouvera surtout en ceci ; que plus s’est accrue l’ardeur pour les sciences naturelles, plus les hautes sciences, les sciences sévères sont allées déclinant ; il en est qui languissent dans l’oubli ; certaines autres sont traitées faiblement et à la légère, et, ce qui est indigne, déchues de leur antique splendeur, on les infecte encore de doctrines perverses et d’opinions dont la monstruosité épouvante (ibid.). Sur cette loi, Nous ordonnons que l’on règle dans les Séminaires l’étude des sciences naturelles.
II. On devra avoir ces prescriptions, et celles de Notre Prédécesseur et les Nôtres, sous les yeux, chaque fois que l’on traitera du choix des directeurs et professeurs pour les Séminaires et les Universités catholiques. Qui d’une manière ou d’une autre se montre imbu de modernisme sera exclu, sans merci, de la charge de directeur ou de professeur ; l’occupant déjà, il en sera retiré ; de même, qui favorise le modernisme, soit en vantant les modernistes ou en excusant leur conduite coupable, soit en critiquant la scolastique, les saints Pères, le magistère de l’Église, soit en refusant obéissance à l’autorité ecclésiastique, quel qu’en soit le dépositaire ; de même qui, en histoire, en archéologie, en exégèse biblique, trahit l’amour de la nouveauté ; de même enfin, qui néglige les sciences sacrées ou paraît leur préférer les profanes.
Dans toute cette question des études, Vénérables Frères, vous n’apporterez jamais trop de vigilance ni de constance, surtout dans le choix des professeurs : car, d’ordinaire, c’est sur le modèle des maîtres que se forment les élèves. Forts de la conscience de votre devoir, agissez en tout ceci prudemment, mais fortement.
Il faut procéder avec même vigilance et sévérité à l’examen et au choix des candidats aux saints Ordres. Loin, bien loin du sacerdoce l’esprit de nouveauté !
Dieu hait les superbes et les opiniâtres.
Que le doctorat en théologie et en droit canonique ne soit plus conféré à quiconque n’aura pas suivi le cours régulier de philosophie scolastique ; conféré, qu’il soit tenu pour nul et de nulle valeur.
Les prescriptions faites par la S. Cong. des Évêques et Réguliers, dans un Décret de 1896, aux clercs séculiers et réguliers d’Italie, concernant la fréquentation des Universités, Nous en décrétons l’extension désormais à toutes les nations.
Défense est faite aux clercs et aux prêtres qui ont pris quelque inscription dans une Université ou Institut catholique de suivre, pour les matières qui y sont professées, les cours des Universités civiles. Si cela a été permis quelque part, Nous l’interdisons pour l’avenir.
Que les évêques qui président à la direction de ces Universités et Instituts veillent à ce que les prescriptions que Nous venons d’édicter y soient fidèle ment observées.
III. Il est encore du devoir des évêques, en ce qui regarde les écrits entachés de modernisme et propagateurs de modernisme, d’en empêcher la publication, et, publiés d’en entraver la lecture.
Que tous les livres, journaux, revues de cette nature, ne soient pas laissés aux mains des élèves, dans les Séminaires ou dans les Universités : ils ne sont pas, en effet, moins pernicieux que les écrits contre les bonnes morurs, ils le sont même davantage, car ils empoisonnent la vie chrétienne dans sa source.
Il n’y a pas à juger autrement certains ouvrages publiés par des catholiques, hommes dont on ne peut suspecter l’esprit, mais qui, dépourvus de connaissances théologiques et imbus de philosophie moderne, s’évertuent à concilier celle-ci avec la foi, et à l’utiliser, comme ils disent, au profit de la foi. Lus de confiance, à cause du nom et du bon renom des auteurs, ils ont pour effet, et c’est ce qui les rend plus dangereux, de faire glisser lentement vers le modernisme.
Généralement, Vénérables Frères, et c’est ici le point capital, faites tout au monde pour bannir de votre diocèse tout livre pernicieux, recourant, pour cela, s’il en est besoin, à l’interdiction solennelle. Le Saint-Siège ne néglige rien pour faire disparaître les écrits de cette nature ; mais le nombre en est tel aujourd’hui que les censurer tous est au-dessus de ses forces. La conséquence, c’est que le remède vient quelquefois trop tard, alors que le mal a déjà fait ses ravages. Nous voulons donc que les évêques, méprisant toute crainte humaine, foulant aux pieds toute prudence de la chair, sans égard aux criailleries des méchants, suavement, sans doute, mais fortement, prennent en ceci leur part de responsabilité, se souvenant des prescriptions de Léon XIII, dans la Constitution apostolique Officiorum ac munerum (25 janv. 1897) : Que les Ordinaires, même comme délégués du Siège apostolique, s’efforcent de proscrire les livres et autres écrits mauvais publiés ou répandus dans leurs diocèses, et de les arracher des mains des fidèles. C’est un droit qui est conféré dans ces paroles, mais aussi un devoir qui est imposé. Et que nul ne pense avoir satisfait aux obligations de sa charge s’il Nous a déféré un ou deux ouvrages et laissé les autres, en grand nombre, se répandre et circuler.
Ne vous laissez pas arrêter, Vénérables Frères, au fait que l’auteur a pu obtenir d’ailleurs l’Imprimatur : cet Imprimatur peut être apocryphe, ou il a pu être accordé sur examen inattentif, ou encore par trop de bienveillance ou de confiance à l’égard de l’auteur, ce qui arrive peut-être quelquefois dans les Ordres religieux. Puis le même aliment ne convient pas à tous : de même, un livre inoffensif dans un endroit peut, au contraire, à raison des circonstances, être fort nuisible dans un autre. Si donc l’évêque, après avoir pris l’avis d’hommes prudents, juge nécessaire de censurer dans son diocèse quelque livre de ce genre, qu’il le fasse, Nous lui en donnons très volontiers la faculté, Nous lui en imposons même l’obligation. La chose, naturellement, doit se faire avec prudence, en restreignant la prohibition, si cela suffit, au clergé : restriction, en tout cas, que ne prendront jamais pour eux les libraires, dont c’est le devoir de retirer purement et simplement de la vente les ouvrages condamnés par l’évêque.
Et puisqu’il est question des libraires, que les évêques veillent à ce que l’amour du lucre ne les entraîne pas à trafiquer des produits délétères. Il est de fait qu’en certains de leurs catalogues s’étalent, accompagnés de réclames alléchantes, bon nombre d’ouvrages modernistes. Que s’ils refusent obéissance, les évêques n’hésiteront pas, après monition, à les priver du titre de libraires catholiques ; de même, et à plus forte raison, du titre de libraires épiscopaux, s’ils en ont été gratifiés. Quant aux libraires pontificaux, ils les déféreront au Saint-Siège.
A tous, Nous rappelons l’article XXVI de la Constitution Officiorum : Ceux qui ont obtenu la faculté de lire et de retenir les livres prohibés n’ont pas pour cela le droit de lire et de retenir les livres ou journaux, quels qu’ils soient, interdits par l’Ordinaire, à moins que dans l’Indult apostolique, la faculté ne leur ait été accordée expressément de lire et de retenir les livres condamnés par n’importe quelle autorité.
IV. Il ne suffit pas d’empêcher la lecture et la vente des mauvais livres, il faut encore en entraver la publication. Que les évêques donc usent de la plus grande sévérité en accordant la permission de publier.
Or, comme le nombre est grand, d’après la Constitution Officiorum, des ouvrages qui ne peuvent paraître sans la permission de l’Ordinaire, et comme, d’autre part, l’évêque ne les peut tous reviser par lui-même, dans certains diocèses on a institué, pour procéder à cette révision, des censeurs d’office. Nous louons très fort cette institution, et non seulement Nous engageons à l’étendre à tous les diocèses, mais Nous en faisons un précepte strict. Qu’il y ait dans toutes les curies épiscopales des censeurs d’office, chargés de l’examen des ouvrages à publier : ils seront choisis parmi les prêtres du clergé tant régulier que séculier, recommandables par leur âge, leur science, leur prudence, et qui, en matière de doctrine à approuver ou à blâmer, se tiennent dans le juste milieu. A eux sera déféré l’examen de tous les écrits qui, d’après les articles XLI et XLII de la Constitution mentionnée, ne peuvent être édités sans permission. Le censeur donnera son avis par écrit. Si cet avis est favorable, l’évêque délivrera le permis de publication, par ce mot Imprimatur, mais qui sera précédé de la formule Nihil obstat, avec au-dessous, le nom du censeur.
Dans la Curie Romaine, aussi bien que dans les autres, des censeurs seront institués. Leur nomination sera faite, d’entente avec le cardinal-vicaire, et avec l’approbation du Souverain Pontife, par le maître, du Sacré-Palais. A celui-ci il appartiendra de désigner le censeur pour la révision de chaque ouvrage. Le permis de publication sera encore délivré par lui, ainsi que par le cardinal vicaire ou son vice-gérant, et il sera précédé, comme ci-dessus, de la formule d’approbation du censeur, suivie de son nom.
Seulement dans des cas exceptionnels et fort rares, pour des raisons dont l’appréciation est laissée à la prudence de l’évêque, la mention du censeur pourra être omise.
Le nom du censeur sera tenu secret aux auteurs et ne leur sera révélé qu’après avis favorable, de peur qu’il ne soit molesté, et durant le travail de révision et par la suite, s’il a refusé son approbation.
Nul censeur ne sera pris dans un Institut religieux sans qu’on ait, au préalable, consulté secrètement le provincial ; celui-ci devra attester en conscience la vertu, la science, l’intégrité doctrinale du candidat.
Nous avertissons les Supérieurs religieux du grave devoir qui leur incombe de veiller à ce qu’aucun ouvrage ne soit publié sans leur autorisation et celle de l’Ordinaire.Nous déclarons enfin que le titre de censeur ne pourra jamais être invoqué pour appuyer les opinions personnelles de celui qui en aura été revêtu et sera, à cet égard, de nulle valeur.
Ceci dit en général, Nous ordonnons en particulier l’observation de l’article XLII de la Constitution Officiorum, dont voici la teneur : Défense aux membres du clergé tant séculier que régulier de prendre la direction de journaux ou de revues sans la permission des Ordinaires. Que s’ils viennent à abuser de cette permission, elle leur sera retirée après monition.
En ce qui regarde les prêtres correspondants ou collaborateurs pour employer les mots courants -, comme il n’est pas rare qu’ils glissent dans les journaux ou revues des articles entachés de modernisme, il appartient aux évêques de les surveiller, et, s’ils les prennent en faute, de les avertir d’abord, puis de leur interdire toute espèce de collaboration ou correspondance. Même injonction est faite aux supérieurs religieux : en cas de négligence de leur part, les évêques agiront comme délégués du Souverain Pontife.
Qu’à chaque journal et revue il soit assigné, autant que faire se pourra, un censeur dont ce sera le devoir de parcourir en temps opportun chaque numéro publié, et s’il y rencontre quelque idée dangereuse, d’en imposer au plus tôt la rétractation. Ce même droit appartiendra à l’évêque, lors même que l’avis du censeur aurait été favorable.
V. Nous avons déjà parlé des Congrès et assemblées publiques comme d’un champ propice aux modernistes pour y semer et y faire prévaloir leurs idées.
Que désormais les évêques ne permettent plus, ou que très rarement, de Congrès sacerdotaux. Que s’il leur arrive d’en permettre ce soit toujours sous cette loi qu’on n’y traitera point de question relevant du Saint-Siège ou des évêques, que l’on n’y émettra aucune proposition ni aucun vœu usurpant sur l’autorité ecclésiastique, que l’on n’y proférera aucune parole qui sente le modernisme, ou le presbytérianisme, ou le laïcisme.
A ces sortes de Congrès qui ne pourront se tenir que sur autorisation écrite, accordée en temps opportun et particulière pour chaque cas, les prêtres des diocèses étrangers ne pourront assister sans une permission pareillement écrite de leur Ordinaire.
Nul prêtre, au surplus, ne doit perdre de vue la grave recommandation de Léon XIII : Que l’autorité de leurs pasteurs soit sacrée aux prêtres, qu’ils tiennent pour certain que le ministère sacerdotal, s’il n’est exercé sous la conduite des évêques, ne peut être ni saint, ni fructueux, ni recommandable [3].
VI. Mais que servirait-il, Vénérables Frères, que Nous intimions des ordres, que Nous fassions des prescriptions, si on ne devait pas les observer ponctuellement et fidèlement ? Afin que Nos vues et Nos vœux soient remplis, il Nous a paru bon d’étendre à tous les diocèses ce que les évêques de l’Ombrie [4], il y a déjà longtemps, établirent dans les leurs, avec beaucoup de sagesse. Afin, disaient-ils, de bannir les erreurs déjà répandues et d’en empêcher une diffusion plus grande, de faire disparaître aussi les docteurs de mensonge, par qui se perpétuent les fruits funestes de cette diffusion, la sainte Assemblée a décrété, sur les traces de saint Charles Borromée, l’institution dans chaque diocèse d’un Conseil formé d’hommes éprouvés des deux clergés, qui aura pour mission de surveiller les erreurs, de voir s’il en est de nouvelles qui se glissent et se répandent, et par quels artifices, et d’informer de tout l’évêque, afin qu’il prenne, après commune délibération, les mesures les plus propres à étouffer le mal dans son principe, et à empêcher qu’il ne se répande de plus en plus, pour la ruine des âmes, et qui pis est, qu’il ne s’invétère et ne s’aggrave.
Nous décrétons donc que dans chaque diocèse un Conseil de ce genre, qu’il Nous plaît de nommer Conseil de vigilance, soit institué sans retard. Les prêtres qui seront appelés à en faire partie seront choisis à peu près comme il a été dit à propos des censeurs. Ils se réuniront tous les deux mois, à jour fixe, sous la présidence de l’évêque. Sur les délibérations et les décisions, ils seront tenus au secret. Leur rôle sera le suivant : ils surveilleront très attentivement et de très près tous les indices, toutes les traces de modernisme dans les publications, aussi bien que dans l’enseignement ; ils prendront, pour en préserver le clergé et la jeunesse, des mesures prudentes, mais promptes et efficaces.
Leur attention se fixera très particulièrement sur la nouveauté des mots, et ils se souviendront, à ce sujet, de l’avertissement de Léon XIII : On ne peut approuver, dans les écrits des catholiques, un langage qui, s’inspirant d’un esprit de nouveauté condamnable, paraît ridiculiser la piété des fidèles et parle d’ordre nouveau, de vie chrétienne, de nouvelles doctrines de l’Église, de nouveaux besoins de l’âme chrétienne, de nouvelle vocation sociale du clergé, de nouvelle humanité chrétienne, et d’autres choses du même genre [5]. Qu’ils ne souffrent pas de ces choses-là dans les livres ni dans les cours des professeurs.
Ils surveilleront pareillement les ouvrages où l’on traite de pieuses traditions locales et de reliques. Ils ne permettront pas que ces questions soient agitées dans les journaux, ni dans les revues destinées à nourrir la piété, ni sur un ton de persiflage et où perce le dédain, ni par manière de sentences sans appel, surtout s’il s’agit, comme c’est l’ordinaire, d’une thèse qui ne passe pas les bornes de la probabilité et qui ne s’appuie guère que sur des idées préconçues.
Au sujet des reliques, voici ce qui est à tenir. Si les évêques, seuls compétents en la matière, acquièrent la certitude qu’une relique est supposée, celle-ci doit être retirée du culte. Si le document témoignant de l’authenticité d’une relique a péri dans quelque perturbation sociale ou de toute autre manière, cette relique ne devra être exposée à la vénération publique qu’après recognition faite avec soin par l’évêque. L’argument de prescription ou de présomption fondée ne vaudra que si le culte se recommande par l’antiquité selon le décret suivant porté en 1896 par la S. Cong. des Indulgences et Reliques : Les reliques anciennes doivent être maintenues en la vénération où elles ont été jusqu’ici, à moins que, dans un cas particulier, on ait des raisons certaines pour les tenir fausses et supposées.
En ce qui regarde le jugement à porter sur les pieuses traditions, voici ce qu’il faut avoir sous les yeux : l’Eglise use d’une telle prudence en cette matière qu’elle ne permet point que l’on relate ces traditions dans des écrits publics, si ce n’est qu’on le fasse avec de grandes précautions et après insertion de la déclaration imposée par Urbain VIII : encore ne se porte-t-elle pas garante, même dans ce cas, de la vérité du fait ; simplement elle n’empêche pas de croire des choses auxquelles les motifs de foi humaine ne font pas défaut. C’est ainsi qu’en a décrété, il y a trente ans, la S. Cong. des Rites : Ces apparitions ou révélations n’ont été ni approuvées ni condamnées par le Saint-Siège, qui a simplement permis qu’on les crût de foi purement humaine sur les traditions qui les relatent, corroborées par des témoignages et des monuments dignes de foi [6]. Qui tient cette doctrine est en sécurité. Car le culte qui a pour objet quelqu’une de ces apparitions, en tant qu’il regarde le fait même, c’est-à-dire en tant qu’il est relatif, implique toujours comme condition la vérité du fait ; en tant qu’absolu, il ne peut jamais s’appuyer que sur la vérité, attendu qu’il s’adresse à la personne même des saints que l’on veut honorer. Il faut en dire autant des reliques.
Nous recommandons enfin au Conseil de vigilance d’avoir l’oeil assidûment et diligemment ouvert sur les institutions sociales et sur tous les écrits qui traitent de questions sociales, pour voir s’il ne s’y glisse point du modernisme et si tout y répond bien aux vues des Souverains Pontifes.
VII. Et de peur que ces prescriptions ne viennent à tomber dans l’oubli, Nous voulons et ordonnons que tous les Ordinaires des diocèses, un an après la publication des présentes, et ensuite tous les trois ans, envoient au Saint-Siège une relation fidèle et corroborée par le serment sur l’exécution de toutes les ordonnances contenues dans les présentes Lettres, de même que sur les doctrines qui ont cours dans le clergé, et surtout dans les Séminaires et autres institutions catholiques, sans en excepter ceux qui sont exempts de la juridiction de l’Ordinaire. Nous faisons la même injonction aux Supérieurs généraux des Ordres religieux en ce qui regarde leurs sujets. »
A ces prescriptions que Nous confirmons pleinement dans leur intégrité, avec l’intention de charger la conscience de ceux qui les enfreindraient, Nous ajoutons quelques mesures spéciales pour les séminaristes et les novices.
Il faut évidemment que dans les Séminaires toutes les parties de l’éducation convergent pour former un prêtre qui soit digne de ce nom. On n’a pas le droit de considérer ces établissements comme ouverts soit aux seules études, soit à la piété seule. La formation complète comporte ces deux éléments. Les Séminaires sont comme des champs d’exercices où se prépare longuement la milice sacrée du Christ. Afin donc qu’il en sorte une armée parfaitement formée, deux choses sont absolument nécessaires : la doctrine pour l’information de l’esprit, la vertu pour la perfection de l’âme. Il faut donc, d’une part, que les candidats au sacerdoce soient avant tout instruits des sciences plus étroitement apparentées avec les études théologiques, et d’autre part, qu’ils excellent particulièrement par la fermeté de leur vertu.
A ceux qui sont chargés de la discipline et de la piété de voir quelles espérances leur offre chaque élève, d’examiner le caractère de chacun en se demandant s’il est plus ou moins indulgent pour ses propres penchants, ou accessible aux sentiments profanes, s’il est prompt à l’obéissance, porté à la piété, s’il n’a pas trop d’estime de lui-même, s’il est discipliné, si son désir du sacerdoce est pur de tout alliage d’intérêt ou inspiré par des vues humaines, si enfin il se distingue par la conduite et la doctrine requises ou, au moins, si, à défaut de l’une ou l’autre de ces qualités, il travaille avec une sincère bonne volonté à l’acquérir.
Et cette recherche ne présente pas une excessive difficulté : l’absence des vertus dont Nous avons parlé se trahit bien vite par ce fait que les exercices de piété sont accomplis sans sincérité et que la règle est observée par crainte et non pour obéir à la voix de la conscience. Celui qui se maintient dans la discipline par crainte servile, ou qui l’enfreint par légèreté d’esprit ou mépris, est très loin de donner les espérances d’un sacerdoce saintement exercé. Il est peu probable, en effet, qu’un contempteur de la discipline intérieure de l’Eglise ne s’écartera en rien, plus tard, de ses règles publiques. Si un supérieur chargé de jeunes clercs surprend pareil état d’esprit dans un élève, et si, après plusieurs admonitions et une année d’épreuve, il s’aperçoit que ce clerc ne modifie en rien sa conduite, le supérieur devra le renvoyer, de sorte qu’il ne puisse plus désormais être reçu ni par lui, ni par quelque évêque que ce soit.
Deux conditions sont donc requises de toute nécessité pour la promotion des clercs : l’innocence de la vie et la possession de la saine doctrine. Et il ne faut point oublier que les prescriptions et les avertissements que donne l’évêque aux nouveaux ordinands ne s’adressent pas moins à ceux-ci qu’aux candidats, puisqu’il y est dit : « On veillera à ce que la sagesse céleste, des mœurs intègres et la constante observation de la justice recommandent ceux qui sont choisis pour ce ministère… Qu’ils soient honnêtes et avancés à la fois dans la science et dans les œuvres… Qu’en eux se manifeste avec éclat la sainteté sous toutes ses formes. »
Et pour ce qui est de l’honnêteté de la vie, Nous en aurions parlé déjà suffisamment, si l’on pouvait facilement la séparer de la doctrine et des opinions que chacun fait siennes et qu’il se propose de défendre. Mais ainsi qu’on lit dans le livre des Proverbes : C’est à la doctrine que l’on reconnaîtra l’homme (Pr 12, 8), et comme l’enseigne l’Apôtre : Quiconque ne persévère pas dans la doctrine du Christ ne possède point Dieu (2 Jn 9).
Quant au soin que l’on devra mettre à acquérir des connaissances nombreuses, certes, et variées, la situation même de notre temps nous le révèle il n’exalte et ne glorifie rien tant que la lumière et le progrès de l’humanité. Ainsi donc tous les clercs qui veulent exercer leurs fonctions comme il convient à notre temps, exhorter utilement dans la saine doctrine et reprendre ses détracteurs (Tt 1, 9), et qui ont à couur de consacrer au bien de l’Église les ressources de leur esprit, ceux-là devront acquérir des connaissances supérieures à celles du commun des hommes et atteindre plus que les autres à l’excellence de la doctrine. Nous avons à lutter, en effet, avec des ennemis habiles qui joignent à l’élégance de leurs arguments une science souvent artificieuse : leurs phrases spécieuses et sonores ne vont pas sans un grand flux et un grand fracas de paroles, d’où semble jaillir quelque chose d’insolite. C’est pourquoi ils doivent se hâter de préparer leurs âmes et d’amasser de grands trésors de doctrine, tous ceux qui, dans le calme d’une vie cachée, se disposent à exercer de très saintes et très difficiles fonctions.
Cependant, la vie de l’homme étant bornée par des limites telles que, de la multitude de connaissances qui s’offrent à nous, c’est à peine s’il nous est donné d’en effleurer quelques-unes, il faut modérer l’ardeur d’appprendre et se souvenir de cette parole de saint Paul : Il ne faut pas savoir plus qu’il ne convient, mais savoir avec modération (Rm 12, 3). C’est pourquoi, comme les clercs sont déjà soumis à de nombreuses et sérieuses études, qu’elles aient rapport aux Saintes Lettres, au dogme, à la morale, à l’ascétique, science de la piété et des devoirs, ou bien encore à l’histoire de l’Église, au droit canon, à l’éloquence sacrée, il importe que les jeunes gens ne gaspillent pas leur temps à d’autres questions et ne soient pas distraits de leurs études principales ; c’est pourquoi Nous leur défendons absolument la lecture de tous journaux ou revues, si excellents soient-ils, chargeant la conscience des supérieurs qui n’auront pas veillé avec un son scrupuleux à l’empêcher.
Mais, afin d’enlever au modernisme toute possibilité de se glisser comme à la dérobée, non seulement Nous voulons qu’on observe ce qui a été prescrit au chapitre second, mais Nous ordonnons en outre que tous les professeurs, avant de commencer leurs cours, au début de l’année, présentent à leur supérieur le texte qu’ils se proposent d’enseigner ou les questions et thèses qu’ils se proposent de traiter ; en outre, Nous voulons que, dans le cours de l’année, la méthode d’enseignement de chaque maître soit examinée ; si elle semble s’éloigner de la saine doctrine, il y aura lieu d’écarter le maître immédiatement. Enfin Nous ordonnons qu’en plus de la profession de foi, le professeur prête serment entre les mains de son supérieur, selon formule ajoutée ci-après, et qu’il y appose sa signature.
Ce serment, après la profession de foi selon la formule de Pie IV, Notre Prédécesseur de sainte mémoire, augmentée de définitions du Concile du Vatican, le prêteront aussi à leur évêque :
- I. Les clercs qui doivent être promus aux ordres majeurs. On devra leur remettre d’avance un exemplaire tant de la profession de foi que de la formule du serment à prononcer, afin qu’ils en soient bien informés, ainsi que de la sanction prévue ci-après en cas d’infraction.
- II. Les prêtres destinés à entendre les confessions, et les prédicateurs, avant que leur soit accordé le pouvoir d’exercer ces fonctions.
- III. Les curés, chanoines, bénéficiers, avant de prendre possession de leur bénéfice.
- IV. Les officiers des Curies épiscopales et des Tribunaux ecclésiastiques, y compris le vicaire général et les juges.
- V. Les prédicateurs de Carême.
- VI. Tous les officiers des SS. Congrégations et des Tribunaux ecclésiastiques de Rome, en présence du cardinal-préfet ou du secrétaire de la Congrégation ou du Tribunal.
- VII. Les supérieurs et les professeurs des Familles et des Congrégations religieuses, avant d’entrer en fonction.
Les actes authentiques de ces professions de foi et serments seront conservés sur des registres particuliers dans les Curies épiscopales et dans les bureaux des Congrégations romaines. Si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, osait violer ce serment, il devrait être déféré immédiatement au tribunal du Saint-Office.
Formule du Serment
Moi, N…, j’embrasse et reçois fermement toutes et chacune des vérités qui ont été définies, affirmées et déclarées par le magistère infaillible de l’Eglise, principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce temps.
Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » [Rm 1,20], c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets.
Deuxièmement, j’admets et je reconnais les preuves extérieures de la Révélation, c’est-à-dire les faits divins, particulièrement les miracles et les prophéties comme des signes très certains de l’origine divine de la religion chrétienne et je tiens qu’ils sont tout à fait adaptés à l’intelligence de tous les temps et de tous les hommes, même ceux d’aujourd’hui.
Troisièmement, je crois aussi fermement que l’Eglise, gardienne et maîtresse de la Parole révélée, a été instituée immédiatement et directement par le Christ en personne, vrai et historique, lorsqu’il vivait parmi nous, et qu’elle a été bâtie sur Pierre, chef de la hiérarchie apostolique, et sur ses successeurs pour les siècles.
Quatrièmement, je reçois sincèrement la doctrine de la foi transmise des apôtres jusqu’à nous toujours dans le même sens et dans la même interprétation par les pères orthodoxes ; pour cette raison, je rejette absolument l’invention hérétique de l’évolution des dogmes, qui passeraient d’un sens à l’autre, différent de celui que l’Eglise a d’abord professé. Je condamne également toute erreur qui substitue au dépôt divin révélé, confié à l’Epouse du Christ, pour qu’elle garde fidèlement, une invention philosophique ou une création de la conscience humaine, formée peu à peu par l’effort humain et qu’un progrès indéfini perfectionnerait à l’avenir.
Cinquièmement, je tiens très certainement et professe sincèrement que la foi n’est pas un sentiment religieux aveugle qui émerge des ténèbres du subconscient sous la pression du cœur et l’inclination de la volonté moralement informée, mais qu’elle est un véritable assentiment de l’intelligence à la vérité reçue du dehors, de l’écoute, par lequel nous croyons vrai, à cause de l’autorité de Dieu souverainement véridique, ce qui a été dit, attesté et révélé par le Dieu personnel, notre Créateur et notre Seigneur.
Je me soumets aussi, avec la révérence voulue, et j’adhère de tout mon cœur à toutes les condamnations, déclarations, prescriptions, qui se trouvent dans l’encyclique Pascendi et dans le décret Lamentabili, notamment sur ce qu’on appelle l’histoire des dogmes.
De même, je réprouve l’erreur de ceux qui affirment que la foi proposée par l’Eglise peut être en contradiction avec l’histoire, et que les dogmes catholiques, au sens où on les comprend aujourd’hui, ne peuvent être mis d’accord avec une connaissance plus exacte des origines de la religion chrétienne.
Je condamne et rejette aussi l’opinion de ceux qui disent que le chrétien savant revêt une double personnalité, celle du croyant et celle de l’historien, comme s’il était permis à l’historien de tenir ce qui contredit la foi du croyant, ou de poser des prémices d’où il suivra que les dogmes sont faux ou douteux, pourvu que ces dogmes ne soient pas niés directement.
Je réprouve également la manière de juger et d’interpréter l’Ecriture sainte qui, dédaignant la tradition de l’Eglise, l’analogie de la foi et les règles du Siège apostolique, s’attache aux inventions des rationalistes et adopte la critique textuelle comme unique et souveraine règle, avec autant de dérèglement que de témérité.
Je rejette en outre l’opinion de ceux qui tiennent que le professeur des disciplines historico-théologiques ou l’auteur écrivant sur ces questions doivent d’abord mettre de côté toute opinion préconçue, à propos, soit de l’origine surnaturelle de la tradition catholique, soit de l’aide promise par Dieu pour la conservation éternelle de chacune des vérités révélées ; ensuite, que les écrits de chacun des Pères sont à interpréter uniquement par les principes scientifiques, indépendamment de toute autorité sacrée, avec la liberté critique en usage dans l’étude de n’importe quel document profane.
Enfin, d’une manière générale, je professe n’avoir absolument rien de commun avec l’erreur des modernistes qui tiennent qu’il n’y a rien de divin dans la tradition sacrée, ou, bien pis, qui admettent le divin dans un sens panthéiste, si bien qu’il ne reste plus qu’un fait pur et simple, à mettre au même niveau que les faits de l’histoire : les hommes par leurs efforts, leur habileté, leur génie continuant, à travers les âges, l’enseignement inauguré par le Christ et ses apôtres.
Enfin, je garde très fermement et je garderai jusqu’à mon dernier soupir la foi des Pères sur le charisme certain de la vérité qui est, qui a été et qui sera toujours « dans la succession de l’épiscopat depuis les apôtres », non pas pour qu’on tienne ce qu’il semble meilleur et plus adapté à la culture de chaque âge de pouvoir tenir, mais pour que « jamais on ne croie autre chose, ni qu’on ne comprenne autrement la vérité absolue et immuable prêchée depuis le commencement par les apôtres.
Toutes ces choses, je promets de les observer fidèlement, entièrement et sincèrement, et de les garder inviolablement, sans jamais m’en écarter ni en enseignant ni de quelque manière que ce soit dans ma parole et dans mes écrits. J’en fais le serment ; je le jure. Qu’ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Evangiles.
De la prédication Sacrée
Comme une longue expérience Nous l’a appris, les résultats ne répondent pas au soin mis par les évêques à faire annoncer la parole de Dieu, et cela non pas tant à cause de l’inertie des auditeurs que de la vaine gloire des prédicateurs, qui font entendre plutôt la parole de l’homme que celle de Dieu ; aussi avons-Nous jugé opportun de faire traduire en latin, de répandre et de recommander aux Ordinaires le document adressé, sur l’ordre de Léon XIII, Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, par la Congrégation des Évêques et Réguliers, le 31 juillet 1894, aux Ordinaires d’Italie et aux supérieurs des Familles et des Congrégations religieuses.
1° « Et en premier lieu, en ce qui concerne les vertus dont il importe surtout que les orateurs sacrés soient ornés, que les Ordinaires et les supérieurs des Familles religieuses aient soin de ne jamais confier ce saint et salutaire ministère de la parole divine à ceux qui n’ont pas en abondance soit la piété envers Dieu, soit l’amour pour son Fils Jésus-Christ Notre-Seigneur. Si les prédicateurs de la doctrine catholique manquent de ces qualités, quel que soit du reste leur talent de parole, ils n’auront pas plus de résultat qu’un airain sonnant ou une cymbale retentissante (1 Co 13, 1) : ils manqueront aussi de ce qui fait la force et la vertu de la prédication évangélique, c’est-à-dire du zèle pour la gloire divine et pour le salut éternel des âmes. Cette piété particulièrement nécessaire aux orateurs sacrés doit briller même dans la conduite extérieure de leur vie ; les commandements et les règles du chrétien, qui sont exaltés dans leurs prédications, ne devront pas être en contradiction avec leurs mœurs ; ils ne devront pas détruire eux-mêmes par leurs actes ce que leurs paroles auront édifié. De plus, leur piété ne trahira rien de profane ; mais elle aura cette gravité qui manifestera en eux de vrais ministres du Christ et des dispensateurs des mystères de Dieu (1 Co 4, 1). Sans quoi, comme le remarque très bien le Docteur angélique, si la doctrine est bonne et que le prédicateur soit mauvais, lui-même est une occasion de blasphémer la parole de Dieu [7]
Mais que la science ne cesse pas d’aller de pair avec la piété et les autres vertus chrétiennes ; car, c’est un fait évident et confirmé par une longue expérience, une parole sage, modérée et utile ne pourra être d’aucune manière le partage de ceux qui ne sont pas enrichis de science, surtout de science sacrée, et qui, confiants dans l’art d’une éloquence naturelle, montent en chaire témérairement et presque sans préparation. Ils frappent véritablement l’air, et ils exposent à leur insu la parole divine au mépris et à la raillerie ; ils méritent bien qu’on leur applique cette sentence de Dieu : Parce que tu as rejeté la science, je te rejetterai à mon tour, pour que tu ne t’acquittes pas de mon sacerdoce (Os 4, 6). »
2° « Ainsi les évêques et les supérieurs de Familles religieuses ne devront confier à un prêtre le soin de prêcher la parole de Dieu qu’après s’être assurés qu’il a bien la piété et la science voulues. Ils devront aussi veiller avec soin à ce que les sujets traités dans la prédication soient exclusivement de ceux qui conviennent à la chaire sacrée.
Quels sont ces sujets ?
Jésus-Christ Notre-Seigneur a manifesté quels ils étaient lorsqu’il a dit : Prêchez l’Évangile… (Mc 16, 15). Leur apprenant à observer tout ce que je vous ai enseigné moi-même (Mt 28, 20). Et saint Thomas ajoute très à propos : Les prédicateurs doivent mettre en lumière ce qui a rapport à la foi, diriger les actes, manifester ce qu’il faut éviter, et, soit en menaçant, soit en exhortant, prêcher aux hommes (loc. cit). Et le très saint Concile de Trente dit aussi : Annoncez-leur quelles fautes ils doivent éviter, quelles vertus pratiquer, afin qu’ils puissent échapper à la peine éternelle et mériter la gloire céleste [8]. Le Pape Pie IX, d’heureuse mémoire, a donné avec plus de développement ces mêmes avis, quand il a dit : Nous voulons que, prêchant non pas eux-mêmes, mais Jésus-Christ crucifié, ils annoncent clairement et ouvertement au peuple les dogmes et les préceptes de notre très sainte religion, selon la doctrine de l’Église catholique et des Pères, usant à cet effet d’une éloquence à la fois grave et lumineuse ; qu’ils expliquent avec soin quels sont les devoirs particuliers de chacun, qu’ils les détournent tous des vices et qu’ils les enflamment d’ardeur pour la piété, afin que les fidèles, raffermis par l’action salutaire de la parole de Dieu, évitent ainsi tous les vices, poursuivent la pratique des vertus et puissent éviter les châtiments éternels et acquérir la gloire céleste [9].
« On voit manifestement par là que le symbole des Apôtres, le divin Décalogue, les commandements de l’Eglise, les sacrements, les vertus et les vices, les devoirs propres à chaque condition, les fins dernières et autres vérités de ce genre, qui sont éternellement vraies, forment les sujets auxquels le prédicateur devra spécialement consacrer sa parole. »
3° « Mais quelles que soient la richesse et la gravité de tels sujets, il arrive maintes fois que les prédicateurs de nos jours n’en ont cure : ils les négligent, comme on fait d’une chose périmée et vaine, et en viennent presque à les rejeter. Sentant très bien, en effet, que les sujets par Nous énumérés permettent moins que d’autres de capter cette faveur populaire à laquelle seule ils aspirent, ils les mettent de côté cherchant leurs propres intérêts et non pas ceux de Jésus-Christ (Ph 2, 21) ; et cette conduite, ils l’observent même pendant le temps du Carême et aux fêtes plus solennelles de l’année. Ils changent à la fois le nom et le sujet de leurs discours, et remplacent les sermons d’autrefois par un genre d’allocution récent et de conception moins heureuse, qu’ils nomment conférences, et qui séduit plus l’esprit et l’imagination qu’il n’excite la volonté au bien et ne transforme les mœurs. Assurément, ceux-là sont loin de se douter que les sermons prêchés sur la morale sont utiles à tous, tandis que les conférences servent à peine à quelques-uns ; et ces derniers mêmes, si l’on s’occupait avec plus de zèle de leur amendement par la prédication répétée des vertus de chasteté, d’humilité, de soumission à l’autorité de l’Église, abandonneraient leurs préjugés à l’endroit de la foi pour accueillir bientôt la pleine lumière de la vérité. En effet, si nombre de personnes, particulièrement au sein des nations catholiques, pensent mal de la religion, il faut l’attribuer aux passions effrénées de l’âme plutôt qu’au défaut de l’intelligence dévoyée, selon ces paroles : C’est du cceur que proviennent les mauvaises pensées…, les blasphèmes (Mt 15, 19). Aussi saint Augustin, rapportant les paroles du Psalmiste : L’impie a dit dans son cceur : il n’y a pas de Dieu (Ps 13, 1), fait la remarque suivante : dans son cceur et non dans son esprit. »
4° « Qu’on se garde pourtant de donner à Nos paroles le sens d’une réprobation absolue de ce genre de discours, puisque, au contraire, traités comme il convient, ces sortes de sujets peuvent être très utiles, voire même nécessaires, pour réfuter les erreurs qu’on oppose à la religion. Mais il faut absolument prohiber dans la chaire cette pompe de langage qui consiste plutôt dans une certaine contemplation des choses que dans l’étude des actes de la vie, qui traite plutôt de la civilisation que de la religion ; enfin qui brille plus par ces faux dehors que par la fécondité des fruits de salut qu’elle procure. Plus propre aux revues et aux Académies, ce genre d’éloquence ne convient nullement à la dignité et la grandeur de la maison de Dieu.
Pour ce qui est des sermons ou conférences qui se proposent surtout la défense de l’Église contre les attaques de ses ennemis, ils sont, il est vrai, parfois nécessaires ; cependant, ils ne sauraient être donnés par tous, mais seulement par les plus forts. Et même ces orateurs éminents devront user d’une grande prudence, car ces plaidoyers apologétiques ne conviennent que lorsque le temps, le lieu ou la condition des auditeurs les réclament absolument, et qu’il y a espoir qu’ils ne seront pas sans utilité ; c’est aux Ordinaires, nul n’en peut douter, qu’il appartient de décider. Il faut de plus que, dans les sermons de ce genre, la force probante des raisons repose plus sur la doctrine sacrée que sur les paroles de la sagesse humaine, que tout soit énoncé avec force et clarté, de peur qu’il n’arrive peut être que les esprits des auditeurs soient plus fortement impressionnés par les fausses opinions que par la vérité, ou que les objections ne les frappent plus que les réponses.
Avant tout il faut veiller à ce que le fréquent usage de ces sermons n’en vienne pas à déprécier ou à faire tomber en désuétude les sermons de morale, comme si ces derniers étaient d’un ordre inférieur comparativement aux controverses, et qu’il fallût les laisser aux prédicateurs et aux auditoires vulgaires ; tandis qu’au contraire il est incontestable que les sermons sur la morale sont très nécessaires à la plupart des fidèles : ils ne le cèdent en rien, comme importance, aux controverses ; ils peuvent donc être donné par les orateurs les plus éminents, en présence de tout auditoire, si élégant et si nombreux qu’il soit, pourvu toutefois que, dans ces circonstances, ils soient faits avec un grand soin. S’il n’en est pas ainsi, la multitude des fidèles sera obligée d’entendre un prédicateur prêchant toujours sur des erreurs pour lesquelles la plupart d’entre eux ont une profonde aversion ; mais ils ne l’entendront jamais parler sur les vices et les défauts dont les auditoires de ce genre sont particulièrement contaminés. »
5 ° « Que si le choix du sujet prête à de graves critiques, on trouve d’autres et même de plus graves raisons de se plaindre à considérer le genre et la forme du discours. Ainsi que l’enseigne fort bien saint Thomas, le prédicateur de la parole divine, pour être vraiment la lumière du monde, doit avoir trois qualités : d’abord la constance, pour ne point dévier de la vérité ; en second lieu, la clarté, pour ne point enseigner confusément ; en troisième lieu, l’utilité de façon à rechercher la louange de Dieu et non point la sienne propre (loc. cit.).
Bien souvent la forme d’éloquence employée de nos jours non seulement est très éloignée de cette clarté et de cette simplicité évangéliques qui devraient distinguer les orateurs sacrés, mais encore elle consiste uniquement en des subtilités de langage, en des énigmes qui dépassent la compréhension commune du peuple. C’est assurément chose affligeante et qu’il faut déplorer avec le prophète : Les enfants ont demandé du pain, et il n’y avait personne pour le leur rompre (Lm 4, 4). Mais, chose plus triste encore, ce qui souvent fait défaut à ces sermons, c’est cette forme religieuse, ce souffle de la piété chrétienne, cette force divine et cette vertu de l’Esprit Saint qui parle au dedans et qui pousse pieusement l’âme au bien. Sous l’empire de cette force et de cet influx divin, les prédicateurs devraient pouvoir toujours répéter pour leur compte ces paroles de l’apôtre : Ma parole et ma prédication n’ont rien du langage persuasif de la sagesse humaine, mais elles manifestent l’Esprit et la vertu de Dieu (1 Co 2, 4). Au contraire, s’appuyant sur le langage persuasif de la sagesse humaine, ils appliquent à peine ou n’appliquent même pas leur esprit aux enseignements de la parole divine, aux Saintes Écritures, qui sont pour la prédication sacrée une source excellente et des plus fécondes, comme le disait naguère Léon XIII par ces graves et éloquentes paroles :
La vertu propre et singulière des Saintes Ecritures, vertu qui émane du souffle divin de l’Esprit Saint, est celle qui, en augmentant l’autorité de l’orateur sacré, lui confère la liberté apostolique de la parole ainsi qu’une éloquence forte et victorieuse. Quiconque, en effet, reproduit par sa parole l’esprit et la force de la parole divine, celui-là ne prêche pas en parole seulement, mais sa prédication est accompagnée de miracles de l’effusion du Saint-Esprit et d’une pleine persuasion (1 Th 1, 5). C’est pourquoi ils agissent maladroitement et inconsidérément, ceux qui, dans leurs instructions sur la religion et les commandements de Dieu, emploient uniquement ou à peu près les paroles de la science et de la prudence humaines, en s’appuyant sur des raisons qui leur sont propres plutôt que sur des raisons d’ordre divin. Leur discours, quelque brillant qu’il soit, est nécessairement languissant et froid, car il manque de cette flamme de la parole divine ; il en laisse bien loin la vertu dont parle l’écrivain sacré en ces termes : La parole de Dieu est vivante, efficace, plus acérée qu’aucune épée à deux tranchants, si pénétrante qu’elle va jusqu’à séparer l’âme et l’esprit (He 4, 12). D’ailleurs, les plus sages doivent eux-mêmes reconnaître qu’il existe dans les Livres Saints une éloquence remarquablement variée, féconde et digne des grands événements qu’elle raconte ; saint Augustin [10] l’a très bien vu et en parle avec sagacité. Un fait même le confirme, c’est le témoignage des plus éminents parmi les orateurs sacrés, qui ont affirmé, en rendant grâces à Dieu, qu’ils devaient leur célébrité à la lecture assidue et à la pieuse méditation des Saints Livres.
Lettr. Encycl. de Studiis Script. Sacr., 18 nov. 1893.
La source incontestablement la plus abondante de l’éloquence sacrée, c’est donc la Bible. Mais les prédicateurs formés suivant cette méthode nouvelle ne puisent point la fécondité de leur parole à la source d’eau vive, mais par un abus qu’on ne peut tolérer, ils se tournent vers les fontaines desséchées de la sagesse humaine ; mettant de côté la doctrine divinement inspirée, celle de l’Eglise, des Pères et des Conciles, ils s’appliquent de toutes leurs forces à mentionner les noms et à reproduire les pensées des écrivains profanes plus récents et même de ceux qui vivent encore, pensées qui prêtent souvent occasion à des interprétations ou ambigués ou très dangereuses.
Une autre pierre d’achoppement vient de ceux qui discutent sur les choses de la religion comme si tout en elle devait se mesurer selon l’utilité et les avantages de cette vie caduque, oubliant presque l’autre vie et son éternité. Les avantages procurés par la religion chrétienne à la société humaine sont grandement vantés par eux ; mais ils omettent de parler aussi des obligations auxquelles les hommes sont tenus ; ils portent uniquement aux nues la charité du Christ Sauveur ; ils taisent sa justice. De là le peu de fruit de cette prédication ; l’homme mondain, lorsqu’il l’entend, se persuade que, sans changer nullement de morurs, il sera chrétien, pourvu qu’il dise : Je crois dans le Christ Jésus. » (Card. Bausa, archev. de Florence, Au jeune clergé, 1892.)
Mais que leur importe de recueillir des fruits de salut ? Ce n’est pas cela, à coup sûr, qu’ils cherchent, mais ils veulent surtout, en flattant les oreilles des auditeurs, leur complaire ; pourvu qu’ils voient les églises où ils parlent regorger de monde, ils laissent facilement le vide dans les esprits. C’est pourquoi ils ne font aucune mention ni du péché, ni des fins dernières, ni d’autres questions d’une très grande importance, mais ils sont absorbés dans le souci de faire entendre des paroles agréables ; leur éloquence est plutôt une éloquence de barreau, une éloquence mondaine, qu’elle n’est une éloquence apostolique et sacrée ; ce qu’ils cherchent c’est de s’attirer les acclamations et les applaudissements de la foule. Saint Jérôme a contre eux ces paroles : Lorsque tu enseignes dans l’église, ce ne sont pas les applaudissements du peuple, mais ses gémissements, qu’il te faut provoquer : que les larmes des auditeurs te servent de louanges (Ad Nepotian). Il arrive par là que ces discours prononcés, soit à l’intérieur, soit en dehors du temple sacré, présentent un certain appareil théâtral et enlèvent à la parole toute sainteté et toute efficacité. De là toute la jouissance que l’on puise dans l’audition de la parole divine a disparu des rangs du peuple, et même d’un certain nombre de membres du clergé ; de là le scandale de tous les gens de bien ; de là l’amélioration tout à fait minime, si elle n’est pas nulle, des âmes égarées qui, tout en se pressant en foule pour entendre des paroles agréables, de grands mots charmeurs et cent fois répétés tels que ceux de progrès de l’humanité, de patrie, de science nouvelle, se retirent du temple saint les mêmes qu’ils y étaient entrés, non sans avoir toutefois prodigué leurs acclamations au prédicateur éloquent et habile qu’ils ont entendu. Ils ressemblent à ceux qui admiraient, mais ne se convertissaient pas (S. Aug. in Mt 19, 25).
Cette Sacrée Congrégation voulant donc, conformément à l’ordre du Souverain Pontife, réprimer de si nombreux et de si blâmables abus, demande à tous les évêques et aux Supérieurs généraux de Familles religieuses ou d’Institutions ecclésiastiques de s’opposer avec un courage apostolique à cette forme de prédication, et de mettre tout leur soin à la supprimer. Qu’ils se souviennent donc des prescriptions du saint Concile de Trente (Sess. V, c. II De Reform.) : Ils sont tenus d’employer des hommes capables d’assumer la charge d’une telle prédication – et que, dans cette entreprise, ils se comportent avec le plus grand soin et la plus grande prudence. S’il s’agit de prêtres, que les Ordinaires de leur diocèse veillent attentivement à ne jamais les admettre à cet emploi avant de les avoir éprouvés relativement à leur vie, leur science et leur conduite (Conc. de Trente, sess. V, c. II, De Reform.), c’est-à-dire avant qu’un essai ou tout autre moyen opportun employé ait rendu manifeste leur aptitude. Mais, s’il s’agit de prêtres d’un autre diocèse, qu’ils ne laissent aucun d’eux monter en chaire, surtout aux jours de fêtes solennelles, avant d’avoir obtenu un témoignage écrit de leur Ordinaire propre ou de leur supérieur religieux attestant que leur conduite est bonne et qu’ils sont aptes à cette charge.
Quant aux supérieurs d’Ordre, de Société ou de Congrégation, qu’ils ne laissent aucun de leurs religieux remplir les fonctions de prédicateur, et que, moins encore, ils ne les recommandent par lettres aux Ordinaires, s’ils ne se sont assurés auparavant de l’honnêteté de leurs mœurs et de leur aptitude à prêcher comme il convient.
Mais s’ils accueillent un prédicateur qui leur est recommandé par écrit, et s’ils constatent après expérience que, dans sa prédication, il s’écarte des règles des présentes Lettres, ils devront sans tarder l’amener à s’y conformer. S’il ne veut pas écouter leurs remontrances, qu’ils lui interdisent alors la chaire sacrée, dussent-ils pour cela employer les sanctions canoniques qui paraîtront nécessaires.
Frappé de la gravité du mal, qui croît de jour en jour, et auquel on ne saurait sans le plus grand danger tarder davantage de s’opposer, Nous avons jugé bon d’édicter ou de rappeler ces prescriptions, et d’ordonner qu’elles soient religieusement observées. Déjà, en effet, Nous n’avons plus à lutter, comme au début, avec des sophistes s’avançant couverts de peaux de brebis, mais avec des ennemis déclarés et cruels, ennemis du dedans qui, ayant fait un pacte avec les pires adversaires de l’Eglise, se proposent la destruction de la foi. Nous parlons de ces hommes qui, chaque jour, s’élèvent audacieusement contre la sagesse qui nous vient du ciel : ils s’arrogent le droit de la réformer, comme si elle était corrompue ; ils prétendent la renouveler, comme si le temps l’avait rendue hors d’usage ; ils veulent en augmenter le développement et l’adapter aux caprices, aux progrès et aux commodités du siècle, comme si elle était opposée non pas à la légèreté de quelques-uns, mais au bien même de la société.
A ces attentats contre la doctrine de l’Évangile et contre la tradition de l’Église, il ne sera jamais opposé trop de vigilance ou de sévérité de la part de ceux à qui est confiée la garde fidèle de ce dépôt sacré.
Ainsi les avis et les ordres salutaires que par ce Motu proprio et de science certaine Nous avons prescrits, Nous voulons qu’ils soient observés très scrupuleusement par tous les Ordinaires et Supérieurs généraux des Ordres réguliers et des Institutions ecclésiastiques de tout l’univers catholique. Nous voulons et Nous ordonnons que ces prescriptions soient reconnues et jouissent de toute leur force nonobstant toutes dispositions contraires.
Rome, le 1er septembre 1910
Pie X, P.P.
Notes de bas de page
- Léon XIII, Enc. Aeterni Patris
- Léon XIII, Lett ap. 10 déc. 1889
- Lettre Enc. Nobilissima 8 fév. 1884
- Actes du Congrès des évêques de l’Ombrie, nov. 1849, tit. II, art. ô
- Instruct. de la S. Cong. des affaires ecclésiastiques extraordinaires, 27 janv. 1902
- Décr. 2 mai 1877
- Comm. sur s. Matth. V.
- Sess. V, c. II de Réformation
- Lett. Encyc. Qui Pluribus du 9 nov. 1846
- De Doctr. christ. IV, 6, 7
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