PAUVRETE / L’esprit de pauvreté
Introduction
Tout au long de son évangile, Jésus parle de la pauvreté. Il en fait une nécessité pour parvenir à le suivre. Mais nous vivons dans un monde qui implique d’avoir de l’argent pour survivre, pour vivre correctement. Alors ? Pouvons-nous concilier la parole de Dieu et la vie dans notre monde ? Ou est-ce une utopie ?
Que nous dit Jésus au sujet de la pauvreté.
Dans l’évangile Jésus parle de la pauvreté. Dans le texte des béatitudes il fait l’éloge de l’esprit de pauvreté.
" Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux. » Mat 5/3
Il admire l’amour et la foi qui existe dans le don du nécessaire, comme dans l’histoire de la veuve au temple.
Survint une veuve pauvre qui y mit deux piécettes, soit un quart d'as. 43 - Alors il appela à lui ses disciples et leur dit : " En vérité, je vous le dis, cette veuve, qui est pauvre, a mis plus que tous ceux qui mettent dans le Trésor. 44 - Car tous ont mis de leur superflu, mais elle, de son indigence, a mis tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre. Alors il appela à lui ses disciples et leur dit : " En vérité, je vous le dis, cette veuve, qui est pauvre, a mis plus que tous ceux qui mettent dans le Trésor. " Mat 12/42
Il enseigne que courir après les biens de ce monde pour eux-mêmes, pour le plaisir de posséder, est inutile et fou ! Il enseigne que la seule richesse valable devant Dieu est celle du cœur.
Il leur dit alors une parabole : " Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. 17 - Et il se demandait en lui-même : "Que vais-je faire ? Car je n'ai pas où recueillir ma récolte. " 18 - Puis il se dit : "Voici ce que je vais faire : j'abattrai mes greniers, j'en construirai de plus grands, j'y recueillerai tout mon blé et mes biens, 19 - et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois, fais la fête. " 20 - Mais Dieu lui dit : "Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l’aura ?" 21 - Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s'enrichir en vue de Dieu. " 22 - Puis il dit à ses disciples : " Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. 23 - Car la vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. 24 - Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit. Combien plus valez-vous que les oiseaux ! 25 - Qui d'entre vous d'ailleurs peut, en s'en inquiétant, ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? 26 - Si donc la plus petite chose même passe votre pouvoir, pourquoi vous inquiéter des autres ? 27 - Considérez les lis, comme ils ne filent ni ne tissent. Or, je vous le dis, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. 28 - Que si, dans les champs, Dieu habille de la sorte l'herbe qui est aujourd'hui, et demain sera jetée au four, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi ! 29 - Vous non plus, ne cherchez pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez ; ne vous tourmentez pas. 30 - Car ce sont là toutes choses dont les païens de ce monde sont en quête ; mais votre Père sait que vous en avez besoin. 31 - Aussi bien, cherchez son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. 32 - " Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s'est complu à vous donner le Royaume. 33 - " Vendez vos biens, et donnez-les en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s'usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où ni voleur n'approche ni mite ne détruit. 34 - Car où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. Luc 12/16.34
Cependant il ne faut pas croire que pour autant, il ne secourt pas ceux qui manquent de tout, car la pauvreté dont Jésus parle n’est pas la misère. Elle est détachement des biens de ce monde et donc ouverture au partage. Et le premier commandement de Jésus n’est-il pas « aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » ? Jésus sait bien que la finalité de l’homme n’est pas en ce monde, mais auprès du Père. C’est cela même qu’il souligne si fortement en Luc 16/19.31
- " Il y avait un homme riche qui se revêtait de pourpre et de lin fin et faisait chaque jour brillante chère. 20 - Et un pauvre, nommé Lazare, gisait près de son portail, tout couvert d'ulcères. 21 - Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche. Bien plus, les chiens eux-mêmes, venaient lécher ses ulcères. 22 - Or il advint que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche aussi mourut, et on l'ensevelit. 23 - " Dans l'Hadès, en proie à des tortures, il lève les yeux et voit de loin Abraham, et Lazare en son sein. 24 - Alors il s'écria : "Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l'eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis tourmenté dans cette flamme. " 25 - Mais Abraham dit : "Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux ; maintenant ici il est consolé, et toi, tu es tourmenté. 26 - Ce n'est pas tout : entre nous et vous un grand abîme a été fixé, afin que ceux qui voudraient passer d'ici chez vous ne le puissent, et qu'on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous. " 27 - " Il dit alors : "Je te prie donc, père, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père, 28 - car j'ai cinq frères ; qu'il leur porte son témoignage, de peur qu'ils ne viennent, eux aussi, dans ce lieu de la torture. " 29 - Et Abraham de dire : "Ils ont Moïse et les Prophètes ; qu'ils les écoutent. " - 30 - "Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu'un de chez les morts va les trouver, ils se repentiront. " 31 - Mais il lui dit : "Du moment qu'ils n'écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu'un ressuscite d'entre les morts, ils ne seront pas convaincus. " " Luc 16/19.31
Et quand on lui demandait ce qu’il fallait faire pour le suivre, ou pour avoir la vie éternelle, il appelait à ce grand détachement des biens du monde. Et l’exemple de ce jeune homme riche, montre bien la difficulté de tout lâcher pour ceux qui tiennent aux biens de ce monde et à ses apparences.
Un notable l'interrogea en disant : " Bon maître, que me faut-il faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? " 19 - Jésus lui dit : " Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon que Dieu seul. 20 - Tu connais les commandements : Ne commets pas d'adultère, ne tue pas, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage ; honore ton père et ta mère. " 21 - - " Tout cela, dit-il, je l'ai observé dès ma jeunesse. " 22 - Entendant cela, Jésus lui dit : " Une chose encore te fait défaut : Tout ce que tu as, vends-le et distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi. " 23 - Mais lui, entendant cela, devint tout triste, car il était fort riche. 24 - En le voyant, Jésus dit : " Comme il est difficile à ceux qui ont des richesses de pénétrer dans le Royaume de Dieu ! 25 - Oui, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu ! "Luc 18/18.25
Ceux qui entendaient cela, se disaient, sans doute comme nous-mêmes : « mais c’est impossible ! » ... et Jésus répondait que pour Dieu tout est possible !
26 - Ceux qui entendaient dirent : " Et qui peut être sauvé ? " 27 - Il dit : " Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu. " 28 - Pierre dit alors : " Voici que nous, laissant nos biens, nous t'avons suivi ! " 29 - Il leur dit : " En vérité, je vous le dis : nul n'aura laissé maison, femme, frères, parents ou enfants, à cause du Royaume de Dieu, 30 - qui ne reçoive bien davantage en ce temps-ci, et dans le monde à venir la vie éternelle. " 31 - Prenant avec lui les Douze, il leur dit : " Voici que nous montons à Jérusalem et que s'accomplira tout ce qui a été écrit par les Prophètes pour le Fils de l'homme. 32 - Il sera en effet livré aux païens, bafoué, outragé, couvert de crachats ; 33 - après l'avoir flagellé, ils le tueront et, le troisième jour, il ressuscitera. " 34 - Mais eux ne saisirent rien de tout cela ; cette parole leur demeurait cachée, et ils ne comprenaient pas ce qu'il disait. Luc 18/26.34
Jésus ne se paie donc pas de mots ! Ce détachement il le vivra lui-même jusqu’au bout, jusqu’au don total de sa vie ! Cependant il est bon de remarqué déjà ici que Jésus ne se détache pas de sa vie, pour simplement se détacher ! Non ! Il fait don de sa vie à l’humanité ! C’est l’amour qui génère cet abandon total !
Certes nous ne pouvons tout de go, tout quitter de nous-mêmes mais Jésus nous apprend à travers l’histoire de Zachée, que tout commence par Sa rencontre, par cette découverte d’un cœur à cœur avec Dieu, par la découverte de l’amour de Dieu pour nous personnellement. Ayant découvert cet amour, il nous devient plus précieux que tous les biens du monde ... et à l’image Zachée, on peut alors progressivement se détacher des biens de ce monde.
Et voici un homme appelé du nom de Zachée ; c'était un chef de publicains, et qui était riche. 3 - Et il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait à cause de la foule, car il était petit de taille. 4 - Il courut donc en avant et monta sur un sycomore pour voir Jésus, qui devait passer par là. 5 - Arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : " Zachée, descends vite, car il me faut aujourd'hui demeurer chez toi. " 6 - Et vite il descendit et le reçut avec joie. 7 - Ce que voyant, tous murmuraient et disaient : " Il est allé loger chez un homme pécheur ! " 8 - Mais Zachée, debout, dit au Seigneur : " Voici, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai extorqué quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple. " 9 - Et Jésus lui dit : " Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison, parce que lui aussi est un fils d'Abraham. 10 - Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. " Luc 19/2.10
On peut comprendre alors que vivre selon l’appel du Christ dans l’esprit de pauvreté, n’est pas une idée intellectuelle, une philosophie humaine, elle est une relation d’amour à Dieu et aux hommes ! Et quand on regarde la vie des saints, on s’aperçoit vite qu’ils ont tous aimé cet esprit de pauvreté, le traduisant plus ou moins radicalement dans leur vie quotidienne.
Jésus et la pauvreté en son temps.
Jésus ne vivait pas dans un pays opulent et en paix. Non il vivait dans un pays occupé par un envahisseur, qui le taxait allègrement. Certains, comme toujours en ces circonstances arrivaient à en faire profit, mais la majorité du peuple était pauvre, pauvre et misérable. Les pauvres de ce temps là, on les appelait les anawim ... on donnait ce nom à tous ceux qui non seulement était pauvres financièrement, mais aussi à tous ceux qui étaient écrasés par la vie, sans moyens de se défendre : les malades, les boiteux, les aveugles, les sourds, .... bref tous ceux qui devaient courber l’échine pour vivre. Tous ceux qui n’avaient pas le droit à la parole. La famille de Jésus ne faisait pas partie des opulents, des notables, mais bien des anawim. Jésus savait donc parfaitement ce qu’était la pauvreté dans tous les sens du terme. Il l’a vu tout au long de sa vie autour de lui. A ce titre on ne peut le traiter d’idéaliste ou de « doux rêveur » !
Il voit ceux qui peinent, ceux qui souffrent ; il compatit profondément à leur souffrance, à leur détresse, à leur silence. Mais il voit plus loin que la pauvreté extérieure, il voit au cœur de l’homme. Il voit la pauvreté des cœurs ! Et cette pauvreté là dépasse toutes les classes sociales et intellectuelles !
Jésus va travailler à soulager cette pauvreté du cœur, en révélant l’amour de Dieu, en donnant sa vie pour chacune des âmes de l’humanité ! Il ne va pas faire de révolution sociale ou politique, comme l’espéraient bien des gens de son temps. Non, il va faire la révolution des cœurs, en appelant à la conversion. Conversion qu’il rend possible par la révélation de l’amour de Dieu pour tous les hommes sans distinction !
Et pour révéler son amour, il ne va pas rester dans une maison bien tenue, bien servie, et assez spacieuse pour accueillir les gens qui viendraient à lui, non, il quitte tout, part sur les chemins, dort à la belle étoile, mange ce qu’on lui offre et passe tout son temps au service des gens, de tous sans exception. Il enseigne, il guérit ; il pardonne !
Sur le plan matériel Jésus s’est fait pauvre parmi les pauvres. Mais il ne l’a pas fait par idéologie humaine, il l’a fait par amour, car on ne peut donner sa vie à Dieu et donc aux autres que par amour.
L’amour de Jésus était parfait et il est allé jusqu’au bout, jusqu’à mourir pour les hommes. Le nôtre est certes moins parfait, mais il existe et il doit grandir ! Cela se peut avec la grâce de Dieu. Plus on va vers Dieu, plus on le découvre. Plus on découvre son amour et plus on veut y répondre, Sa grâce alors permet le détachement de tous ces biens matériels et autres qui nous empêchent d’aimer. La pauvreté est donc bien le chemin de l’amour.
Mais qu’est-ce exactement que cet esprit de pauvreté dans lequel le chrétien est appelé à vivre ?
Vivre aujourd’hui dans l’esprit de pauvreté.
On le limite souvent aujourd’hui à la pauvreté matérielle. Mais c’est faire là une belle erreur, car cette pauvreté matérielle n’est en fait que le signe extérieur d’un dépouillement intérieur.
L’esprit de pauvreté grandit dans le cœur de l’homme lorsqu’il a rencontré l’amour de Dieu pour lui personnellement. Ayant reconnu cet amour du Christ pour lui, il essaie de découvrir par le cœur qui est le Christ afin de lui correspondre de plus en plus, de répondre ainsi à cet amour si particulier.
Jésus s’est ouvert aux autres, en s’oubliant soi-même, le chrétien qui chemine ainsi découvre ce détachement de lui-même au profit des autres, et dès lors il a de moins en moins de besoins personnels.
Contemplant aussi le don radical du Christ sur la croix, il comprend que l’amour le conduit au même abandon. Cet abandon ne s’obtient pas par raisonnement humain, ou par la « force des poignets », mais uniquement par la grâce de Dieu, dans la réponse que le croyant donne au jour le jour a l’appel du Christ sur lui-même.
Ainsi petit à petit, il va non seulement se désintéresser de ces choses matérielles et de ces apparences qui semblent si importantes à notre société de consommation. Avoir le dernier vêtement à la mode, la dernière télé ou la super voiture ne l’intéresse plus. Il se trouve heureux d’avoir de quoi se vêtir simplement, de vivre sans la dernière invention high-tech, et quant à la voiture tant qu’elle correspond aux besoins réels de sa vie, cela lui suffit aussi amplement.
Mais l’esprit de pauvreté va encore plus loin, car le croyant se sait sauvé par Dieu, il reçoit donc sa vie de Dieu, et à ce titre, son temps, chaque minute de vie, chaque seconde de sa vie appartient à Dieu. De là découle progressivement au rythme de la grâce, un abandon de son temps et de sa volonté propre entre les mains de Dieu.
L’esprit de pauvreté conduit à se recevoir totalement de Dieu et à vivre totalement en dépendance de Dieu, non pas comme un esclave à qui tout serait interdit, mais comme un être libre, qui s’offre à vivre dans l’amour de Celui qui l’a aimé le premier, et qui l’a aimé jusqu’à mourir pour que lui, ait la vie.
Vivre aujourd’hui dans l’esprit de pauvreté c’est rencontrer l’amour de Dieu et c’est choisir cet amour dans l’abandon de soi. Cela demande chaque jour un choix un effort, pour ne pas se laisser rattraper par l’esprit de consommation généré par notre société, pour ne pas se laisser rattraper par l’esprit du « chacun pour soi », c’est oser dire à Dieu, « non pas ma volonté mais la tienne » . C’est oser regarder vers l’autre, c’est oser se laisser déranger par l’autre, non pas au nom d’une idéologie humaine, mais réellement dans l’amour de Dieu.
Conclusion
La vie dans l’esprit de pauvreté ne s’impose pas, elle est un choix. Plus exactement elle est une réponse d’amour à l’amour de Dieu.
La question se pose a chacun de nous : est-ce que je crois vraiment en Dieu au point de vivre avec lui ? Et pour être plus exacte : est-ce que j’ai vraiment rencontré l’amour de Dieu pour moi, au point de ne plus vouloir vivre en dehors de lui, au point de ne désirer vivre qu’en m’oubliant totalement pour l’amour de lui et des autres ?
La réponse ne se trouve pas dans notre esprit, notre raisonnement, on ne peut la trouver qu’au plus profond de notre cœur. Mais allons nous oser faire la révolution de notre propre cœur ?
Myriam de Gemma