Charles d’Autriche
(1887-1922)
Bienheureux
Empereur
Fête le 21.10
Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,
Au coeur de la Grande Guerre, en 1917, l'écrivain Anatole France, peu suspect de sympathies catholiques, écri- vait: «L'empereur Charles d'Autriche a offert la paix, c'est le seul honnête homme qui ait paru au cours de la guerre; on ne l'a pas écouté». Pour expliquer sa recherche obstinée de la paix, l'empereur avait confié à son chef de cabinet: «Il y va de la sécurité et du calme de l'Église, ainsi que du salut éternel de beaucoup d'âmes en péril». Charles Ier a été béatifié le 21 octobre 2004 par le Pape Jean-Paul II.
Charles de Habsbourg, fils aîné de l'archiduc Otto et de Maria-Josèphe de Saxe, est né le 17 août 1887 à Persenbeug, non loin de Vienne (Autriche). L'enfant est le petit-neveu de l'empereur d'Autriche François-Joseph. Il grandit sous la vigilance aimante mais sans faiblesse de sa mère, femme très chrétienne. Son père, lui, mène une vie scandaleuse. Charles est confié à des précepteurs chrétiens qui entretiennent ses excellentes dispositions. Il n'a qu'un défaut: la timidité.
Charles fait sa première communion en 1898, à Vienne: «Si l'on ne savait pas prier, c'est par ce jeune monsieur qu'on l'apprendrait», commente l'un des assistants. L'enfant fréquente le lycée public des Bénédictins écossais où se développent ses qualités: franchise, charité, ténacité, modestie. Si sa santé donne quelques inquiétudes, l'archiduc Charles ne cesse de progresser dans les domaines intellectuel et spirituel. Irréprochable dans sa conduite, il n'en est pas moins gai et aime beaucoup la musique. En 1905, il inaugure la carrière militaire, de règle pour un Habsbourg. L'année suivante, il perd son père, qui meurt dans une piété et une sérénité inattendues. Il devient alors le second dans l'ordre de la succession au trône, après son oncle, François-Ferdinand, qui l'initie aux affaires de l'État.
Nous aider mutuellement à gagner le Ciel
En 1908, Charles est nommé chef d'escadron en Bohême. Un de ses proches dira de lui: «L'amour sincère du jeune archiduc pour toutes les beautés de la nature révélait un être foncièrement bon qui adorait le Créateur à travers toutes ses oeuvres et laissait deviner un homme totalement dépourvu de méfiance et de haine, qui accueillait chacun à coeur ouvert». Charles rencontre, en 1909, la princesse Zita de Bourbon-Parme, de cinq ans plus jeune que lui; elle avait été élève des Bénédictines de Solesmes. Il obtient de l'empereur François-Joseph l'autorisation de demander sa main. Après la Messe des fiançailles, Charles glisse à Zita: «Maintenant, il nous faut nous aider mutuellement à gagner le Ciel». Préparé par une retraite spirituelle, le mariage a lieu le 21 octobre 1911. Quelque temps avant, au cours d'une audience accordée à Zita, le Pape saint Pie X prédit aux fiancés leur prochaine accession au trône. La princesse lui ayant rappelé que l'héritier direct du trône est François-Ferdinand et non pas Charles, le Pape maintient son étonnante affirmation.
En 1912, Charles sert en Galicie comme capitaine; il s'occupe activement de ses troupes afin d'améliorer leur bien-être matériel et moral. Le 20 novembre, Zita donne naissance à un fils, Otto; six ans plus tard, le jour de la première communion de cet aîné, Charles consacrera sa famille au Sacré-Coeur. En février 1913, la petite famille s'établit au château de Hetzendorf, près de Vienne. Charles y mène une vie ascétique; il travaille jusque tard dans la nuit. Il s'assujettit à toutes les contraintes de la vie d'officier, sans jamais se servir de son rang pour obtenir des passe-droits.
Au début de 1914, l'archiduc héritier François-Ferdinand confie à Charles: «Je suis convaincu que je mourrai assassiné; la police est au courant». De fait, la franc-maçonnerie a condamné à mort François-Ferdinand, obstacle à son dessein de détruire l'empire catholique d'Autriche-Hongrie. L'acharnement mis par les milieux maçonniques à détruire le dernier empire catholique d'Europe ne peut surprendre. Les groupes maçonniques, même lorsqu'ils se disent spiritualistes, ont une vision du monde fermée au surnaturel et ils rejettent la notion de révélation divine comme celle de dogme; c'est pourquoi la franc-maçonnerie s'est constamment opposée à l'Église catholique. Un franc-maçon de haut grade reconnaissait, en 1990, cet antagonisme fondamental: «Le combat qui se livre actuellement conditionne l'avenir de la société. Il oppose deux cultures: l'une fondée sur l'Évangile et l'autre sur la tradition de l'humanisme républicain. Et ces deux cultures sont fondamentalement opposées. Ou la vérité est révélée et intangible, d'un Dieu à l'origine de toutes choses, ou elle trouve son fondement dans les constructions de l'Homme, toujours remises en question parce que perfectibles à l'infini» (Paul Gourdeau). Le 26 novembre 1983, le Cardinal Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a précisé: «Le jugement négatif de l'Église sur les associations maçonniques demeure inchangé, parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l'Église, et l'inscription à ces associations reste interdite par l'Église. Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la Sainte Communion».
«Sous votre protection...»
François-Ferdinand a des vues larges, pleinement partagées par son neveu Charles: il veut réformer l'empire dans le sens du fédéralisme, pour donner à chacun des peuples qui en font partie une plus large autonomie. Mais le 28 juin 1914, il est assassiné à Sarajevo, par un conspirateur serbe. Charles devient l'héritier direct de la double monarchie dont son grand-oncle François-Joseph est encore l'empereur. Le 19 juillet 1914, le Conseil austro-hongrois de la Couronne adresse à la Serbie un ultimatum exigeant une enquête pour trouver les coupables de l'attentat. Le rejet partiel de cet ultimatum entraîne le déclenchement d'une guerre européenne. Charles pressent que ce conflit sera terriblement meurtrier. Mais il exécute loyalement les ordres de son grand-oncle et part pour le front. Sur son sabre, il fait graver l'invocation suivante à Marie: «Sub tuum præsidium confugimus, sancta Dei Genitrix» («Sous votre protection, nous nous réfugions, ô sainte Mère de Dieu»). L'Italie déclare la guerre à l'Autriche en mai 1915. Nommé colonel, Charles est envoyé dans le Trentin où il remporte une série de victoires. Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'il combat des Italiens, lui dont l'épouse est une princesse italienne. En juin 1916, nommé colonel-général, il parvient à arrêter une offensive russe en Galicie. Ses rapports avec certains officiers allemands servant sur le même front, sont difficiles. Révolté par l'usage des gaz toxiques, devenu courant sur le front français, Charles obtient, après avoir parlementé avec les Russes, qu'aucun des deux camps n'y aurait recours. Il refuse aussi de laisser bombarder les villes.
En novembre 1916, François-Joseph meurt pieusement, après un règne de 68 ans. Charles de Habsbourg devient empereur d'Autriche et roi apostolique de Hongrie. Il a vingt-neuf ans. Dans un manifeste publié le jour même, il déclare: «Je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour bannir dans le plus bref délai les horreurs et les sacrifices qu'entraîne la guerre, et pour procurer à mon peuple les bienfaits de la paix». Le 22 décembre, Charles fait rédiger par son ministre Czernin des propositions de paix, acceptées du bout des lèvres par son allié, l'empereur d'Allemagne, Guillaume II: elles seront rejetées par les puissances de l'Entente (France, Grande-Bretagne, Russie, Italie). Le 30 décembre 1916, à Budapest, Charles ceint la couronne que saint Étienne reçut du Pape Sylvestre II, en 1001. Cependant, il confie: «Être roi, ce n'est pas satisfaire une ambition, mais se sacrifier pour le bien du peuple tout entier». Peu après, Guillaume II donne l'ordre de déclencher la guerre sous-marine à outrance. Le souverain autrichien refuse de donner son soutien à cette offensive qui, dirigée contre des navires de commerce, provoquera la mort de nombreux civils. Il ne peut supporter la pensée des combats effroyables qui, dans toute l'Europe, ont déjà causé des millions de morts, et cela pour des objectifs dérisoires. Charles remarque: «Il ne suffit pas que je sois seul à vouloir la paix. Il faut que j'aie le peuple entier et tous les ministres à mes côtés!» Or, la presse ne cesse d'exciter le bellicisme du peuple par des communiqués triomphants, tandis qu'elle cache la vérité sur la situation de l'empire où la misère du peuple est chaque jour plus grande.
Acharnement pour la paix
En mars 1917, Charles demande à ses beaux-frères Sixte et Xavier de Bourbon-Parme, qui combattent dans l'armée belge, de se mettre en rapport avec les gouvernements de l'Entente. L'empereur leur confie une lettre, dans laquelle il déclare que l'Autriche est prête à renoncer à diverses exigences formulées en 1914, concernant notamment la Serbie. De même, il propose d'abandonner la Galicie à l'Allemagne en compensation de la restitution à la France de l'Alsace-Lorraine. Une transaction avec l'Italie est aussi envisagée. Mais l'intransigeance des différentes parties en présence fait échouer cette tentative de paix. Une seconde proposition de Charles à l'Entente échoue, de même que celle du Pape Benoît XV, soutenue avec enthousiasme par Charles. Les ministres franc-maçons français et italiens d'une part, et les officiers d'état-major allemands d'autre part, ont voulu la guerre à tout prix. Dans la seule armée française, ce refus aura causé la mort de 300 000 soldats.
Dès l'avènement de l'empereur, des campagnes de calomnies sont orchestrées contre lui, même au sujet de ses moeurs, alors qu'il est d'un sérieux et d'une tempérance incontestables.À l'inverse, il est traité de bigot.De fait, l'empereur assiste quotidiennement à la Messe et y communie; il récite assidûment le chapelet et aime à visiter les sanctuaires dédiés à la Sainte Vierge. Dans son intense vie spirituelle, il trouve la force dont il a besoin pour assumer ses lourdes responsabilités. On fait aussi passer Charles pour incapable, alors qu'il s'est montré un officier remarquable. Il parle sept langues; sa puissance de travail est extraordinaire et il possède à un rare degré l'esprit de synthèse. Bien mieux que son entourage, il discerne le mortel danger où se trouve son empire. Au printemps 1917, il refuse énergiquement de laisser Lénine, qui vit exilé en Suisse, traverser ses États pour aller semer la révolution en Russie, plan machiavélique conçu par l'état-major allemand. Charles a compris que Lénine est potentiellement dangereux pour toute l'Europe; le bolchevisme, il le pressent, ne se contentera pas de ruiner la Russie, mais s'étendra partout. Cependant, Lénine parviendra à regagner la Russie en passant par l'Allemagne dans un train spécial.
Dans le chaos de la défaite
Dans l'impossibilité de conclure la paix avec les pays de l'Entente, Charles est obligé de continuer une guerre abhorrée, afin d'éviter autant que possible le malheur que causerait à ses peuples l'effondrement de l'empire. En octobre 1917, l'Autriche remporte sur l'Italie la victoire de Caporetto. L'empereur ne se laisse pas griser par ce succès, conquis au prix du sang versé, et qui ne règle rien. Ses pouvoirs constitutionnels, qui ne sont pas illimités, l'obligent à laisser les mains libres aux parlements bellicistes et à son déloyal ministre, Czernin, qui joue la carte de la «paix par la victoire», c'est-à-dire par la guerre. L'empereur mène, à Baden, dans une simple maison, une vie de labeur. Sa table est des plus maigres, tant il a en horreur le marché noir qui sévit partout. Zita, de son côté, se dévoue corps et âme aux blessés et aux orphelins, créant des oeuvres d'assistance. Le peuple, dans sa grande majorité, ne s'y trompe pas et acclame le couple impérial au cours de ses voyages.
En janvier 1918, par ses «quatorze points», inspirés des objectifs de la franc-maçonnerie, Wilson, le président des États-Unis, proclame la nécessité pour la paix future, de réorganiser l'Europe centrale et balkanique selon le «principe des nationalités». Cela signifie le démantèlement de l'empire austro-hongrois au profit de petits États-nations. Cette conception utopique, inspirée par les socialistes tchèques Bénès et Masaryk, est à l'origine des conflits qui vont déchirer l'Europe centrale jusqu'à nos jours. Charles essaie vainement de faire entendre raison à la Maison Blanche. À l'ouest, les dernières offensives allemandes de mai et juin 1918 sont arrêtées et suivies, en juillet, d'une contre-offensive de l'Entente. L'Allemagne, dans les semaines qui suivent, se replie et doit, après le déclenchement de la révolution à Berlin, demander l'armistice, qui sera signé le 11 novembre. La défaite allemande provoque par contrecoup la sécession des nationalités slaves de l'empire austro-hongrois. Le parlement hongrois proclame la déchéance des Habsbourg. Le 2 novembre, l'empereur est contraint de demander l'armistice à l'Italie. Les milieux politiques le poussent à l'abdication, mais il ne se reconnaît pas le droit de disposer d'une autorité reçue de Dieu. Soumis à de harcelantes pressions, le 12, à Vienne, il abandonne l'exercice du pouvoir, sans avoir abdiqué. Puis il se retire au château d'Eckartsau, où il est aussitôt mis sous surveillance policière. En mars 1919, la «république autrichienne» proscrit Charles Ier, qui proteste contre la violence qui lui est faite et réaffirme sa légitimité en face d'un pouvoir né de l'insurrection.
L'empereur et sa famille s'installent à Prangins, près de Genève, en Suisse. De là, encouragé par le Pape Benoît XV, Charles va s'efforcer de remonter sur le trône de Hongrie. Peut-être pourra-t-il alors – c'est l'espoir du Saint-Père – reformer une fédération d'États catholiques en Europe centrale. Le 25 mars 1921, Charles quitte la Suisse et se rend clandestinement en Hongrie. L'amiral Horthy, chef de l'État depuis 1920, s'est intitulé régent et se dit loyal envers son roi. D'origine calviniste, il est en réalité athée et déteste la tradition catholique des Habsbourg. Le jour de Pâques, à Budapest, Charles est reçu par Horthy qui tergiverse, prétexte mille difficultés et fait tout pour ameuter les puissances étrangères afin d'empêcher la restauration monarchique. Charles, entre-temps, est tombé malade; ses partisans lui proposent de reprendre le pouvoir par les armes, mais il refuse, pour éviter l'effusion du sang. À bord d'un train spécial, il est ramené en Suisse manu militari.
Un noble et ferme refus
Il se rend plusieurs fois au monastère bénédictin de Disentis, où il cherche dans l'oraison la force dont il a besoin. À l'occasion de ce séjour, l'empereur révèle à deux moines que des personnalités haut placées en France et en Hongrie lui ont promis de faciliter la restauration de la monarchie en Hongrie, et même en Autriche, à condition qu'il «consente à introduire dans ses États l'école neutre et le mariage civil avec son corollaire, le divorce». Charles s'y est catégoriquement refusé. L'empereur n'a aucune ambition personnelle mais, le jour de son sacre, il a fait le serment devant Dieu et le peuple hongrois, de se dévouer au bien de ceux dont la divine Providence lui a confié la direction. Il ne supporte pas de voir ce pays livré à une coterie, tandis que le peuple vit dans la misère. Le 21 octobre 1921, en compagnie de l'impératrice Zita, Charles s'échappe et prend un avion à Zurich. Il atterrit à l'ouest de la Hongrie et marche vers Budapest, ralliant à sa cause les régiments qu'il rencontre. Mais l'amiral Horthy, en faisant croire à l'armée que Charles est l'otage de communistes tchèques, attaque les forces impériales. Charles ordonne alors le cessez-le-feu. Séquestré, il refuse d'abdiquer, par fidélité à son serment de roi couronné.
Les pays de l'Entente jugent le Habsbourg indésirable et s'occupent eux-mêmes de son expulsion. Le 31 octobre, Charles et Zita sont embarqués sur un bateau britannique qui descend le cours du Danube jusqu'à la Mer Noire. Puis un navire roumain les conduit à Constantinople. Ils ignorent ce que sont devenus leurs enfants, restés en Suisse. Quand le capitaine du vaisseau lui avoue qu'il est question de le transférer à Asunción, îlot perdu au milieu de l'Atlantique-sud, Charles frémit et s'écrie: «Mais alors, nous ne pourrions jamais revoir les enfants!» Cependant, il sourit bientôt et dit d'une voix rassérénée: «Que je suis pusillanime! Ils ne peuvent nous envoyer qu'à l'endroit choisi par Dieu». Le 19 novembre 1921, le navire aborde à Funchal, capitale de l'île portugaise de Madère, qui sera – les Anglais en ont décidé ainsi – le lieu d'exil de l'empereur déchu. Une dotation annuelle a été prévue par les «Nations alliées» pour les besoins de l'exilé, mais elle ne sera jamais versée. On croit Charles riche, mais il est pauvre. Aussi doit-il chercher un logement peu onéreux. Il choisit la villa Quinta, située à 600 mètres d'altitude, mais ce choix s'avère malheureux: l'hiver, le climat y est insalubre à cause du brouillard. Le 2 février 1922, après bien des difficultés, Zita peut amener ses enfants à Madère.
«Le Seigneur fera ce qu'il voudra»
Le Pape Benoît XV donne à Charles la faculté d'avoir une chapelle domestique où demeure le Saint-Sacrement, et d'y faire célébrer la Messe, précieuse consolation pour lui. Dans les semaines qui suivent, l'ascension spirituelle de Charles suscite l'admiration de son épouse. Apprenant que des bruits malveillants courent sur sa mauvaise santé, l'empereur s'écrie: «Je ne voudrais pas mourir ici»; mais aussitôt, il sourit et se reprend: «Le Seigneur fera ce qu'il voudra». Il a de plus en plus le sentiment que Dieu va lui demander d'offrir sa vie pour le salut de ses peuples et il confie cette pensée à Zita, en ajoutant: «...et je le ferai!» Il n'y a en lui aucune révolte contre les événements ou contre les personnes. Un témoin dira: «Jamais il ne voulait apparaître martyr; jamais il n'a condamné ceux qui l'ont trahi et si, devant lui, on en médisait, il prenait leur défense».
Le 9 mars, l'empereur prend froid après être monté à pied de Funchal à sa villa. Le 17, sa température atteint 39° et il tousse. Le 21, il a 40° de fièvre et une bronchite généralisée, qui dégénère en congestion pulmonaire. Charles n'a pas encore 35 ans, mais il est moralement et physiquement affaibli par les lourdes épreuves des années qui viennent de s'écouler. Au cours des jours suivants, la pneumonie s'aggrave. Les derniers jours de l'empereur sont ceux d'un saint. Malgré son extrême fatigue, il assiste à la Messe célébrée quotidiennement dans sa chambre. Le 27 mars, il demande à recevoir l'Extrême-Onction et fait une confession générale en pleine lucidité. Il fait venir son fils aîné, Otto, qui n'a que neuf ans: «Je veux qu'il soit témoin. Ce sera un exemple pour toute sa vie; il faut qu'il sache ce que doit faire en pareil cas un roi, un catholique, un homme». Le 29, Charles est victime de deux crises cardiaques; en privé, il confie: «N'est-ce pas excellent d'avoir une confiance illimitée dans le Sacré-Coeur? Sinon mon état serait insupportable». Un peu plus tard, il déclare: «Je dois beaucoup souffrir, afin que mes peuples puissent se retrouver tous ensemble». Le samedi 1er avril, il veut prier, mais sa garde-malade lui conseille de dormir. Il répond: «J'ai tant à prier!» Dans la matinée, son état devient désespéré. Il peut cependant recevoir la Sainte Communion en viatique. Le Saint-Sacrement est exposé dans la chambre du mourant qui murmure: «J'offre ma vie en sacrifice pour mon peuple», puis: «Mon Sauveur, que votre volonté soit faite!» À midi vingt-cinq, après avoir dit «Jésus, Marie, Joseph», il rend le dernier soupir. L'empereur-roi laisse derrière lui une veuve qui attend son huitième enfant.
Malgré l'échec apparent de sa vie, Charles Ier a rendu un témoignage admirable de conformité à la divine Providence dans le malheur. C'est pourquoi l'Église l'a proposé en exemple par la béatification. On peut lui appliquer ce passage du livre de la Sagesse: Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment ne les atteindra pas. Aux yeux des insensés, ils paraissent être morts; leur sortie de ce monde semble un malheur, et leur départ du milieu de nous un anéantissement; mais ils sont dans la paix... Après une légère peine, ils recevront une grande récompense; car Dieu les a éprouvés, et les a trouvés dignes de lui (Sg 3, 1-5). «Dès le début, l'empereur Charles conçut sa charge comme un service saint de ses peuples. Sa préoccupation principale était de suivre l'appel du chrétien à la sainteté même dans son action politique... Qu'il soit un exemple pour nous tous, surtout pour ceux qui ont aujourd'hui en Europe la responsabilité politique» (Jean-Paul II).
Dom Antoine Marie osb, abbé