María Concepción Cabrera de Armida
(1862-1937)
Bienheureuse,
Laïque catholique mexicaine, inspiratrice des Œuvres de la Croix
Bien chers Amis,
«Je vous recommande de rester des chrétiens vaillants… Je vous supplie de transmettre votre foi à vos enfants par vos enseignements et vos exemples, ne reculant devant aucun sacrifice pour leur assurer une éducation chrétienne…» Ces lignes proviennent du testament qu’une femme mexicaine, la bienheureuse Conchita Cabrera de Armida, a rédigé en 1928 à l’attention de ses enfants. Qui est cette mère de famille si soucieuse de la transmission de la foi?
María Concepción Cabrera de Armida, surnommée Conchita, naît le 8 décembre 1862 dans une famille aisée de San Luis Potosí, au centre nord du Mexique. Ses parents possèdent de vastes propriétés réparties en cinq “haciendas” (exploitations agricoles) et sont profondément religieux. «Dans les “haciendas”, écrira Conchita, mon père présidait chaque jour la récitation du chapelet dans la chapelle, en présence de toute la famille, des ouvriers agricoles et des gens de la campagne.» Septième de douze enfants, Conchita fréquente l’école pendant peu de temps. «Mon instruction, avouera-t-elle, est demeurée très élémentaire à cause de ma sottise, de ma paresse et aussi de tant de déplacements et de voyages à l’époque de mes études… Pour la marche de la maison, ma mère nous a tout appris: depuis le lavage du parquet jusqu’à la broderie… Jamais elle ne nous laissait dans l’oisiveté… De plus, elle veillait à nous maintenir dans une profonde humilité pour que nous ne nous laissions pas emporter par la vanité… Dès ma plus tendre enfance, j’ai senti dans mon âme une grande inclination vers l’oraison, la pénitence et surtout vers la pureté.» Au cours de longues randonnées à travers la campagne, elle se livre à des réflexions ou oraisons prolongées, méditant lentement les paroles de prières apprises par cœur et contemplant la nature. Elle passe aussi de nombreuses heures à jouer du piano et à chanter.
La petite fille fait sa première Communion le jour de son dixième anniversaire. Dans son journal, elle se reproche sa frivolité; mais peu à peu sa dévotion eucharistique s’accroît, et, parvenue à l’âge de seize ans, elle communie tous les jours: «C’était un besoin absolu de ma vie.» Conchita a vingt et un ans lorsqu’elle se fiance à Francisco Armida. «Les fiançailles ne m’ont jamais préoccupée comme un obstacle pouvant empêcher mon appartenance à Dieu, écrira-t-elle. Il me semblait si facile d’unir ces deux choses.» La nuit précédant son mariage, elle récite les quinze mystères du Rosaire. «Au repas de noces (le 8 novembre 1884), écrira-t-elle, il me vint à la pensée de demander à celui qui était déjà mon mari deux choses qu’il me promit d’accomplir: me laisser toute liberté de communier tous les jours et ne pas être jaloux.» Elle confiera plus tard: «Mon mari fut toujours un parfait modèle de respect et de tendresse… Jamais mon amour pour lui ne m’a empêchée d’aimer Dieu. Je l’aimais avec une grande simplicité, comme tout enveloppé dans mon amour pour Jésus.» Pourtant, elle reconnaîtra aussi: «Quand nous nous sommes mariés, mon mari avait un caractère très violent, comme de la poudre; mais aussitôt l’éclair disparu, il s’arrêtait, tout confus. Au bout de quelques années, il se produisit chez lui un tel changement que sa maman elle-même et ses sœurs s’en étonnaient.»
Entre 1885 et 1899, Conchita et son mari donnent la vie à neuf enfants. «Ma mère, rapportera son fils Ignacio, envisageait ses relations conjugales avec une grande simplicité… Certes, elle insistait beaucoup sur la pureté dans notre éducation, mais j’ai compris qu’elle jugeait des choses humaines sans voir partout des péchés… Plus tard, elle m’a parlé de mes devoirs conjugaux avec mon épouse. Je me suis rendu compte alors que son sens de la pureté n’était pas ignorance.»
La vie familiale n’est pas toujours facile: «Le Seigneur m’a fait souffrir de fortes humiliations de la part de mes belles-sœurs, écrit Conchita. Il a voulu que j’apparaisse à leurs yeux comme inutile et peu agréable. J’avais beau faire, je n’arrivais pas à leur plaire… Ce creuset me fut très profitable, d’autant plus que, souvent, mon mari leur donnait raison. Cela m’a détachée de moi-même… Quand je parlais, quoi qu’il m’en coutât beaucoup au début, à cause de mon orgueil, je faisais toujours l’éloge de mes belles-sœurs… Mon beau-père m’a toujours beaucoup aimée… Ma belle-mère m’avoua plus tard qu’au début de mon mariage, elle ne m’aimait pas du tout, mais après, elle eut pour moi une très grande affection.»
Ancrés dans l’amour
«Le mariage chrétien et la vie familiale sont compris dans toute leur beauté et leur attrait, s’ils sont ancrés à l’amour de Dieu, pour que nous puissions lui rendre gloire comme icônes de son amour et de sa sainteté dans le monde, disait le Pape François, le 25 août 2018… La grâce de Dieu aide chaque jour à vivre avec un seul cœur et une seule âme. Même les belles-mères et les belles-filles! Personne ne dit que c’est facile, vous le savez mieux que moi… Jour après jour, Jésus nous réchauffe avec son amour en faisant en sorte qu’il pénètre tout notre être. Du trésor de son Sacré-Cœur, il répand sur nous la grâce dont nous avons besoin pour guérir nos infirmités et ouvrir notre esprit et notre cœur pour nous écouter, nous comprendre et nous pardonner les uns aux autres» (Dublin, Irlande).
Après avoir eu un premier garçon, Pancho, le 28 septembre 1885, Conchita met au monde Carlos, le 28 mars 1887. Elle relate par écrit ses expériences mystiques et ses réflexions dans un journal qui comptera 60 000 pages. Mgr Luis María Martínez, qui sera plus tard son directeur de conscience et deviendra archevêque de Mexico, lui écrira: «Je crois que vous-même ne pouvez vous rendre compte des richesses renfermées dans le journal… Tant que je serai votre directeur, je ne vous permettrai pas d’en détruire une seule lettre.» Dans ces écrits, Conchita fait part d’apparitions du Christ ou de la Sainte Trinité. Elle rapporte des messages de Jésus, centrés sur son Sacré-Cœur, la Trinité, la Miséricorde divine, le sacerdoce et l’Eucharistie.
En 1889, elle participe à une retraite: elle court aux instructions, prend quelques moments de silence et de recueillement, puis revient en toute hâte à la maison s’occuper des siens. Le Saint-Esprit l’inspire: «Un jour, j’entendis clairement au fond de mon âme, sans pouvoir en douter, ces paroles qui m’étonnèrent: “Ta mission est de sauver les âmes”.» Et, une autre fois: «Tu boucheras l’entrée de l’enfer pour un grand nombre d’âmes…» L’eschatologie, en effet, tient une grande place dans les révélations de Conchita: la vision béatifique de Dieu, but suprême de notre vie ici-bas, mais aussi la possibilité de se damner, par sa propre faute. Notre Seigneur lui montre l’enfer pour qu’elle se rende compte de quoi il s’agit: «L’enfer, c’est surtout la haine épouvantable contre Moi», lui dit-il. Après cette retraite, Conchita se rend chez son frère Octaviano; elle y réunit une soixantaine de femmes pour leur donner quelques exercices spirituels. Le feu intérieur qui la brûle embrase les cœurs. Elle-même expérimente pourtant de grands combats intérieurs; elle est tiraillée entre les attraits du monde – elle passe parfois son temps à consulter des journaux de mode – et son désir de perfection. Le Seigneur lui envoie alors un directeur de conscience, le Père Alberto Mir, jésuite, qui l’aide beaucoup. Sa douleur est profonde lorsque son deuxième fils, Carlos, meurt de la typhoïde, à l’âge de six ans, en mars 1893.
« Je veux que règne la Croix ! »
Avec l’accord de son directeur, Conchita grave sur sa poitrine le monogramme IHS (Jésus). Dès lors, elle souhaite ressembler au Christ sur la Croix et étancher sa soif des âmes: «L’union sur la Croix fait jaillir de l’âme l’amour le plus sublime et désintéressé. C’est l’amour le plus pur, sans mélange d’égoïsme ni d’amour-propre.» Un jour, l’Esprit Saint lui apparaît sous la forme d’une colombe, au-dessus d’une Croix au centre de laquelle se trouve un cœur entouré d’épines. Le Seigneur lui dit: «Le monde s’enfonce dans la sensualité, on n’aime plus le sacrifice et l’on ne connaît pas sa douceur. Je veux que règne la Croix…» Le Seigneur lui révèle qu’elle doit instituer les “religieux et religieuses de la Croix”, dont l’apostolat continuera et complètera le message transmis par sainte Marguerite-Marie au xviie siècle: il s’agit, lui dit Jésus, de «faire connaître les douleurs intérieures de mon Cœur auxquelles on n’est pas attentif et qui constituèrent pour moi une Passion plus douloureuse que celle que mon Corps a soufferte sur le Calvaire».
Lors d’une nouvelle retraite selon les Exercices Spirituels de saint Ignace, en septembre 1894, Conchita prend des résolutions formulées en 42 points, afin de parfaire ses relations avec son mari, ses enfants et les familiers de la maison. L’année suivante, la famille s’installe à Mexico; Conchita y fonde l’Œuvre de la Croix qui rassemble des laïcs, des prêtres et des religieux: ils ont pour unique règle de s’offrir pour le rachat des péchés du monde, en s’identifiant au Christ sur la Croix.. En 1897, elle établit la Congrégation des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus, religieuses contemplatives qui se consacrent à l’adoration du Saint-Sacrement et à la prière pour la sanctification des prêtres; elles font aussi le catéchisme et tiennent des maisons pour des retraites spirituelles (en 2017, la Congrégation comptait 269 Sœurs dans 20 maisons). Ces Œuvres suscitent enthousiasme chez certains et opposition chez d’autres. L’archevêque de Mexico prescrit, en 1900, un examen de la vie et des écrits de la fondatrice. «Aujourd’hui, écrit Conchita le 1er octobre, après un rigoureux examen et après avoir prié, le R.P. Melé, visiteur de la Congrégation du Cœur de Marie, m’a assuré que mon esprit était de Dieu, et qu’il était disposé à l’attester.»
L’époux de Conchita lui fait part de la crainte qu’il éprouve à la pensée de la mort. À l’approche de la mort, il fait une confession générale, et sa peur se transforme en un plein acquiescement à la volonté de Dieu. Conchita, qui s’attend au dénouement pénible, écrira: «À mesure que je voyais approcher la séparation, la tendresse de mon cœur envers lui prenait des proportions de plus en plus considérables. Je sentais que je n’avais plus ni tête, ni foi, ni raison, mais seulement un cœur..» Le 17 septembre 1901, après dix-sept ans de mariage, Francisco Armida meurt. Conchita, qui approche de ses 39 ans, gardera dans son âme la blessure de ce décès. En analysant le passé, elle voit combien son amour pour son époux était intense, pur et saint; elle perçoit cependant de nombreux défauts dans sa vie d’épouse et se reproche de n’avoir pas su parler à son mari des secrets de son âme. Le 3 février 1903, Conchita rencontre le vénérable Père Félix de Rougier (1859-1938), supérieur des Pères Maristes à Mexico; elle se place sous sa direction spirituelle et lui révèle qu’il sera le fondateur d’une nouvelle famille religieuse. Les signes qu’elle lui donne de l’origine divine de son message sont tels que le Père y croit immédiatement. Par prudence, il consulte néanmoins plusieurs personnes, puis il part pour la France où il sollicite de ses supérieurs la permission de fonder une nouvelle Congrégation. Leur première réponse est un refus très net.
Incarnation mystique
Le 7 avril de la même année 1903, Pedrito, un des fils de Conchita âgé de quatre ans, se noie en tombant dans le bassin où il allait puiser de l’eau. Prosternée en larmes au pied du crucifix, elle s’efforce d’offrir le sacrifice qui lui est ainsi imposé. En mars 1906, elle fait une nouvelle retraite. Le 25 de ce mois, fête de l’Annonciation, le Seigneur lui dit: «Me voici, je veux m’incarner mystiquement dans ton cœur…» Puis, alors qu’elle pense qu’il s’agit d’une communion spirituelle, Jésus ajoute: «Non, non, ce n’est pas ainsi, c’est d’une autre manière aujourd’hui que tu m’as reçu. J’ai pris possession de ton cœur. Je m’incarne mystiquement en lui pour ne plus m’éloigner de toi…» Une telle grâce évoque la prière de sainte Élisabeth de la Trinité, carmélite dijonnaise, rédigée le 21 novembre 1904: «Ô feu consumant, Esprit d’amour, survenez en moi afin qu’il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe: que je lui sois une humanité de surcroît en laquelle Il renouvelle tout son mystère!» Par cette grâce, Conchita devient, d’une façon toute spéciale, victime pour l’Église en union avec le Christ, Prêtre et Hostie. «En m’incarnant dans ton cœur, lui dit Jésus, j’avais mes desseins: te transformer en Moi, homme de douleurs. Tu dois vivre de ma vie, et tu sais déjà que le Verbe s’est incarné pour souffrir…» Conchita contribue ainsi au salut de milliers d’âmes, conformément à la prophétie de 1889.
En 1906, son fils Manuel, né le 28 janvier 1889, entre chez les Jésuites, à l’âge de dix-sept ans. Conchita aurait préféré qu’il soit “Prêtre de la Croix”, mais elle respecte totalement son choix. «Il est évident, lui écrit-elle, que mon cœur de mère en a souffert, mais je suis heureuse de pouvoir offrir ce sacrifice au Seigneur... Prie toujours, prie beaucoup pour moi… Sois généreux envers Dieu. La vie est trop courte pour ne pas nous sacrifier à Lui par amour…» Après ses trois premiers garçons, Conchita a donné le jour à une fille particulièrement choyée, Concha. À l’âge de quinze ans, celle-ci fait le vœu de virginité, mais ensuite, belle fille très pure, elle est entourée d’une cour de garçons. Troublée, elle déclare un moment ne plus vouloir entrer au couvent. Cependant, au retour d’une retraite, elle affirme, radieuse: «Maman, j’ai choisi le Christ pour toujours!» En 1908, elle entre chez les religieuses contemplatives de la Croix. Elle mourra de maladie, le 19 décembre 1925.
Mère des douleurs
En 1909, Conchita fonde l’Alliance d’Amour avec le Sacré-Cœur de Jésus, association de fidèles qui aident les prêtres, spécialement par la prière. Elle établit en 1912 la Fraternité du Christ-Prêtre, association de religieux et de fidèles, destinée, elle aussi, à promouvoir la sainteté du ministère sacerdotal. À la fin de juin 1913, son fils Pablo, jeune homme de dix-huit ans, meurt de la typhoïde entre les mains de sa mère. «Ô Mère des douleurs, écrit-elle à la Sainte Vierge, Mère qui comprend une mère qui vient de perdre un fils très aimé, par tes mains, par ton Cœur sans tache, offre mon propre fils à la Très Sainte Trinité!»
Désirant la fondation des Prêtres de la Croix par le Père de Rougier, des évêques mexicains adressent à Rome une pétition pour l’obtenir, mais des manœuvres calomnieuses y mettent obstacle. La Congrégation des Religieux demande alors à Conchita, qui a prophétisé cette fondation, de lui envoyer ses écrits. Pour hâter l’affaire, Mgr Ramón Ibarra, archevêque de Puebla, se résout à emmener celle-ci à Rome à l’occasion d’un pèlerinage mexicain en Terre Sainte. Le départ de Mexico a lieu le 26 août 1913. Conchita prend avec elle deux de ses enfants, Ignacio, vingt ans, et Lupe, une jeune fille de quinze ans. À Nazareth, Jésus dit à Conchita: «Ce n’est pas par hasard que tu es venue dans ce lieu… Ici tu te consacreras d’une manière tout à fait spéciale à la Très Sainte Trinité. L’incarnation mystique dans ton âme n’est pas un mensonge, bien que tu n’aies pas su l’apprécier. C’est une réalité qui se répandra sur le monde refroidi et plus spécialement sur les prêtres.» Le pèlerinage se dirige ensuite vers Rome. Le 13 novembre, Conchita s’agenouille en pleurant devant le Pape saint Pie X: «Très Saint Père, je ne veux pas être un obstacle pour ces Œuvres. Que l’on m’écarte et que l’on ne tienne plus compte de moi…» La fondation des “Prêtres de la Croix” est autorisée sous le nom de “Missionnaires du Saint-Esprit”. Les pèlerins gagnent ensuite la France, Paray-le-Monial, Lisieux puis Lourdes. Le voyage se poursuit par l’Espagne, où Manuel, le fils jésuite de Conchita, fête ses vingt-cinq ans. Le retour à Mexico a lieu le 14 mars 1914. Le Père de Rougier fonde les Missionnaires du Saint-Esprit le 25 décembre suivant, dans la basilique Notre-Dame-de-Guadalupe. Les buts de cette nouvelle congrégation sont l’évangélisation et la promotion des vocations sacerdotales (en 2022, les Missionnaires du Saint-Esprit comptaient 259 religieux dont 205 prêtres dans 51 maisons). Durant toute la vie de Conchita, le Mexique a été marqué par une politique laïque et des persécutions contre l’Église. Elle-même a dû parfois cacher chez elle certains prêtres et religieux, ou même des évêques.
En juin 1920, Manuel, le fils jésuite, offre au Seigneur le sacrifice de ne plus jamais retourner dans son pays, et de ne jamais revoir les siens. Conchita en conçoit une grande douleur, mais en même temps elle est très fière de ce fils qui a si bien compris son cœur et l’amour de la Croix. Lorsqu’il sera ordonné prêtre, deux ans plus tard, elle s’unira profondément à lui par la prière. Elle est d’ailleurs liée spirituellement d’une manière très spéciale à tous les prêtres, pour lesquels elle offre ses souffrances et auxquels elle transmet les confidences du Cœur de Jésus. Il reste à Conchita trois fils et une fille. Pancho, l’aîné, avait dix-sept ans à la mort de son père, et il a beaucoup aidé sa mère. Ignacio (né en 1893) a élevé une famille chrétienne de huit enfants. Salvador (né en 1896) et sa petite sœur Lupe (née en 1898) sont des enfants plus difficiles. Conchita écrira de cette dernière: «Elle est si distante et si difficile qu’il n’y a pas moyen de l’approcher.» Elle avouera encore: «Mes enfants sont si froids, si susceptibles que je vois bien que Dieu veut m’ôter tout lien et toute douceur humaine…» Tous témoigneront pourtant de la fidélité de leur mère à ses devoirs d’épouse et de mère. Le seul défaut que Lupe soulignera chez elle est la gourmandise et un faible pour les confiseries.
La famille chrétienne est appelée Église domestique «parce que la famille manifeste et révèle la nature de l’Église comme famille de Dieu, qui est d’être communion et famille. Chacun de ses membres, selon son rôle propre, exerce le sacerdoce baptismal, contribuant à faire de la famille une communauté de grâce et de prière, une école de vertus humaines et chrétiennes, le lieu de la première annonce de la foi aux enfants» (Compendium du Catéchisme de l’Église catholique, n° 350). L’entrée dans l’Église se fait par le Baptême: «L’Église est la famille des enfants de Dieu, disait le Pape François… Une famille dans laquelle on prend soin de chacun, parce que Dieu notre Père a fait de nous tous ses enfants dans le Baptême. C’est pourquoi je continue à encourager les parents à faire baptiser les enfants dès que possible, pour qu’ils fassent partie de la grande famille de Dieu… Faisons une comparaison: un enfant sans le Baptême, parce que les parents disent: “Non, quand il sera grand”; et un enfant avec le Baptême, avec l’Esprit Saint en lui: celui-là est plus fort parce qu’il a en lui la force de Dieu!» (25 août 2018).
Longue et ultime épreuve
L’un après l’autre, les enfants de Conchita se marient et quittent leur mère dont l’apostolat extérieur diminue progressivement. Elle connaît alors la solitude du cœur, et aussi celle de l’âme, tant Dieu Lui-même se fait apparemment lointain… «Je suis dans la solitude de l’âme la plus complète, écrit-elle en novembre 1917… Je ne comprends plus rien, je suis un chaos…» Pendant les vingt dernières années de sa vie, elle imite les vertus de Marie dans sa solitude après l’Ascension, pour obtenir des grâces aux Œuvres de la Croix. Elle passe les trois derniers mois de sa vie à Mexico dans de grandes douleurs physiques. Dans son âme, l’épreuve spirituelle est telle qu’il lui semble que Jésus a complètement disparu: «C’est comme si jamais nous ne nous étions connus», répète-t-elle. Le Seigneur est pourtant toujours là avec elle pour l’aider de sa grâce. Elle s’éteint le 3 mars 1937. Proclamée bienheureuse le 4 mai 2019, à Mexico, elle est fêtée le 3 mars.
«Ô Jésus, comme tu es adorable! écrivait Conchita. Tu renfermes dans ton tabernacle toutes les délices du ciel que le monde ne peut pas connaître… Seul l’amour a pu conduire ton Cœur très saint à s’anéantir de la sorte! C’est là que se trouve la vie de mon âme et l’unique bonheur de mon cœur.» Demandons à la bienheureuse Conchita de nous inspirer un profond et intense amour du Christ et de son Eucharistie!
Dom Jean-Bernard Marie, o.s.b.