Vincent, Sabine
et Christèle
(† v. 305)
Saints, martyrs
Fête le 28.10
Dacien, ce cruel exécuteur de la rage des empereurs Dioclétien et Maximien, étant venu en Espagne, plutôt pour persécuter les Chrétiens que pour en gouverner les provinces, fit arrêter Vincent qu'on lui dénonça comme un des plus zélés défenseurs du culte de Jésus-Christ.
Pour tâcher de corrompre sa foi, il lui démontra que c'était une folie de s'exposer à perdre la vie à la fleur de son âge par de cruels supplices, pour défendre l'honneur d'un homme que l'on avait crucifié, et qu'il ferait beaucoup mieux d'obéir aux ordres des empereurs qui commandaient de sacrifier aux divinités païennes. Puis, voyant que le saint martyr, bien loin de se rendre à ses désirs, confessait généreusement la divinité de Jésus-Christ, et déclamait contre Jupiter, se moquant de cette idole incestueuse et adultère, il commanda qu'on le menât devant la statue de l'idole, et que s'il ne lui offrait de l'encens, il fût à l'heure même torturé, déchiré, rompu de coups, et enfin mis à mort par le dernier supplice.
Les bourreaux se saisirent aussitôt de lui et l'entraînèrent au lieu désigné par le président; mais, par un grand miracle, ayant mis le pied sur une pierre dure, Vincent y imprima son vestige, de même que si c'eût été de la cire molle; les bourreaux en furent tellement touchés, que, pour avoir le temps de se faire instruire des mystères de la foi chrétienne, ils retournèrent à Dacien; et feignant que Vincent demandait trois jours pour délibérer, ils obtinrent de lui ce sursis.
Pendant ce temps, ils l'amenèrent chez eux : Sabine et Christète, sœurs de notre invincible martyr, vinrent le voir; et, se jetant à ses pieds, elles le prièrent et le conjurèrent en pleurant, de prendre la fuite avec elles pour leur servir de père et de mère et être leur soutien dans la rigueur de cette persécution. Vincent eut bien de la peine à le faire ; mais, enfin, considérant la jeunesse de ces vierges, et s'imaginant qu'elles pourraient succomber à la cruauté des supplices si elles n'étaient soutenues par ses exhortations et par son exemple, il usa de la liberté que lui donnèrent ceux qui le retenaient, et se retira avec ses sœurs à Avila. Le président en fut bientôt averti, et il envoya en même temps des cavaliers pour les suivre. Ils les atteignirent en cette ville ; et, comme ils avaient ordre de les tourmenter et de les faire mourir, ils exercèrent contre ces innocentes victimes toutes les cruautés dont l'impiété est capable. Enfin, après avoir disloqué tous leurs membres sur le chevalet et leur avoir déchiré le corps à coups de fouet, ils leur mirent la tête sur des pierres et la leur écrasèrent avec des cailloux et des leviers.
Leurs dépouilles sacrées demeurèrent ensuite exposées à la voirie pour être dévorées par les animaux; mais, ô conduite admirable de la divine Providence ! un serpent d'une grosseur prodigieuse, qui causait de grands maux dans le pays, sortit des rochers voisins de la ville pour les garder. Un Juif s'étant donc approché pour les insulter, il fut saisi par ce monstre et n'échappa à sa cruauté que par la promesse qu'il fit de se convertir au Christ et de donner honorable sépulture aux saints martyrs, et de faire bâtir une église en leur honneur. Il accomplit depuis lors ce qu'il avait promis.
On trouve l'office de saint Vincent et de ses sœurs dans les anciens bréviaires et missels mozarabes.